“Reeve 41457” by Otis Historical Archives Nat’l Museum of Health & Medicine Licensed under Creative Commons Attribution 2.0 via Wikimedia Commons .

Octobre étant le Mois de l’ergothérapie, nous profitons de l’occasion pour explorer l’histoire de la discipline à McGill dans le cadre de notre série sur la contribution de la Faculté de médecine de l’Université McGill à la ville de Montréal, en l’honneur de son 375e anniversaire.

L’origine de l’ergothérapie remonte au 18e siècle, une époque où la lutte contre la pratique d’enchaîner les patients atteints de troubles mentaux a mené à la réforme graduelle des asiles d’aliénés. Les tenants de cette réforme échangeaient avec les patients au lieu de les traiter comme des parias, les amenaient au grand air et les encourageaient à s’adonner à des activités utiles, comme la couture ou le jardinage.

Au cours des deux guerres mondiales, l’ergothérapie a connu une évolution rapide pour devenir la discipline que nous connaissons aujourd’hui. Les ergothérapeutes de cette époque, souvent appelées « assistantes à la reconstruction » en contexte militaire, s’occupaient de soldats souffrant de traumatismes psychologiques et de blessures physiques. Elles leur proposaient des programmes d’activités et les aidaient à regagner leur autonomie en réapprenant à se vêtir et à se laver par eux-mêmes – ce qu’on appelle aujourd’hui en ergothérapie les activités de la vie quotidienne (AVQ).

L’arrivée de la discipline à l’Université McGill date de l’après-Deuxième Guerre mondiale. L’École de physiothérapie, qui avait été fondée en 1943, était la première au Canada à

Les membres de la promotion 1992 d’ergothérapie retrouvent leur ancienne professeure Beverlea Tallant lors d’un vins et fromages tenu à la Maison Hosmer le 13 octobre 2017. Figurent notamment sur la photo deux des premiers diplômés masculins en ergothérapie à McGill, Mario Côté et Salvatore Chine.
De gauche à droite : Nadine Larivière, maintenant directrice du programme d’ergothérapie de l’Université de Sherbrooke; Aliki Thomas, aujourd’hui professeure adjointe d’ergothérapie à McGill; Mario Côté; Salvatore Chine; Anat Lazar; Beverlea Tallant.

faire partie d’une faculté de médecine. En 1950, l’ergothérapie y a fait son entrée dans le cadre d’un diplôme de trois ans combinant ergothérapie et physiothérapie. L’année suivante, l’école a été renommée École de physiothérapie et d’ergothérapie, puis a évolué au fil du temps vers sa version actuelle, qui offre deux programmes distincts de maîtrise professionnelle en ergothérapie et en physiothérapie.

Les premières années, la visée du programme était uniquement clinique et professionnelle. « Les étudiantes s’inscrivaient au sortir de leur 11e année », rappelle la Pre Beverlea Tallant, diplômée de l’Université de Toronto en 1961 et embauchée au sein du corps enseignant d’ergothérapie à McGill en 1969. « Certaines n’avaient que 17 ans et l’interaction avec des patients atteints de troubles psychiatriques ou d’incapacités physiques les bouleversait ».

Les professeures devaient alors répondre à deux critères, indique la Pre Tallant : « savoir bien enseigner, particulièrement sur le plan de l’expertise clinique, et participer activement à la direction de nos associations professionnelles ». L’importance de la recherche est arrivée plus tard. « Nous sommes progressivement devenus un programme universitaire mcgillois comme les autres », ajoute-t-elle. Un baccalauréat en ergothérapie a été créé en 1971, suivi un an plus tard d’une maîtrise en sciences de la réadaptation. En 1988, McGill est devenue la première université en Amérique du Nord à offrir un programme de doctorat en sciences de la réadaptation. « C’est nous, à McGill, qui avons inventé ce terme ». Au fil de ces changements, une grande partie du personnel enseignant en ergothérapie et en physiothérapie, dont la Pre Tallant, a obtenu une maîtrise ou un doctorat tout en enseignant et en s’acquittant de ses obligations dans les associations professionnelles. « Je vous assure que travailler à temps plein tout en faisant tout cela n’était pas de tout repos, mais l’École et notre travail nous passionnaient. »

La Pre Tallant se souvient de la période grisante de la création de l’assurance-maladie au Québec et des audiences de la Commission Castonguay, qui déterminerait quels services professionnels seraient couverts. Ayant rencontré Claude Castonguay lors d’une conférence, la Pre Tallant lui a demandé si la Société des ergothérapeutes du Québec (SEQ) avait soumis un mémoire, ce à quoi il a répondu non. La Pre Tallant a avisé Joyce Field, alors directrice du programme d’ergothérapie, qui, avec des collègues de la SEQ, de McGill et de l’Université de Montréal, a monté un dossier en faveur de leur profession. Leur initiative s’est toutefois heurtée à un écueil : « La Commission a décidé que les ergothérapeutes devaient relever des physiothérapeutes, qui eux devaient relever des physiatres. Cela nous a évidemment consternées, car à notre avis, les ergothérapeutes et les physiothérapeutes étaient sur le même pied. Ce qui a sauvé la donne, c’est que nous travaillions en santé mentale, et que les psychiatres ont refusé de recevoir d’un physiatre l’information que les ergothérapeutes devaient leur transmettre sur leurs patients ». Les ergothérapeutes ont persévéré, et l’ergothérapie a été reconnue comme une profession de la santé distincte.

Au fil des ans, signale la Pre Tallant, le programme d’ergothérapie de McGill s’est imposé comme chef de file dans plusieurs champs de recherche, dont la dysphagie, avec la création d’une clinique d’évaluation et d’alimentation à l’Hôpital de Montréal pour enfants, la réadaptation à la conduite, la formation par simulation pour les utilisateurs de fauteuil roulant électrique. Les chercheuses en ergothérapie ont élaboré plusieurs outils d’évaluation, notamment l’évaluation de l’incapacité fonctionnelle dans la démence (IFD), maintenant traduite dans plus de 60 langues, qui mesure les habiletés fonctionnelles dans les AVQ chez des personnes présentant des déficits cognitifs. L’outil MISA, ou Évaluation des capacités d’ingestion McGill, est aussi depuis plusieurs années un outil important d’évaluation des difficultés de déglutition chez les personnes âgées. « Nous avons été parmi les pionniers de la réadaptation à la conduite », ajoute-t-elle, rappelant que le maintien de la capacité et du droit de conduire après une maladie ou à un âge avancé est un enjeu de plus en plus important. En 2016, l’École de physiothérapie et d’ergothérapie a d’ailleurs célébré les 10 ans de son certificat d’études supérieures en réadaptation à la conduite, un programme offert en ligne aux ergothérapeutes qui souhaitent se spécialiser dans le domaine.

À l’heure actuelle, les membres du corps professoral en ergothérapie mènent des recherches sur les troubles de développement d’origine cérébrale chez les enfants, la réalité virtuelle comme modalité de traitement chez les personnes ayant une incapacité motrice, la phénoménologie de l’expérience de l’affection psychiatrique chez le client en ergothérapie, les obstacles environnementaux à la participation des personnes en situation de handicap physique dans leur communauté, l’itinérance, et l’application de connaissances au profit des ergothérapeutes en pratique clinique et/ou des proches aidants.

Pour en savoir plus sur les recherches actuelles en ergothérapie, cliquez ici.

Le 27 octobre 2017