Par Gillian Woodford

Une grande fierté. C’est ce qu’a ressenti la Dre Thérèse Perreault lors de son troisième séjour à Kigali, au Rwanda, en septembre. Professeure agrégée au Département de pédiatrie de la Faculté de médecine de l’Université McGill et directrice de la Division de néonatalogie de l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME), la Dre Perreault était sur place lorsque la résidente en pédiatrie Jocelyne Bukeyeneza a remporté le premier prix lors d’une conférence de pédiatrie pour une étude sur les pratiques de réanimation néonatale au Centre hospitalier universitaire de Kigali (CHUK).

Plus tôt ce mois-là, la Dre Bukeyeneza était revenue d’un stage d’observation de deux mois à l’HME qu’a organisé la Dre Perreault en vertu du partenariat entre les deux hôpitaux d’enseignement, dans le cadre du Programme pédiatrique de santé mondiale de McGill. L’infirmière-chef en pédiatrie du CHUK, Antoinette Mukandanga, a également passé deux semaines avec l’équipe de l’unité de soins intensifs néonatals (USIN). Les responsables du programme remplissent en ce moment les formalités nécessaires pour que la Dre Bukeyeneza revienne faire un stage de perfectionnement (fellowship) à l’HME.

Le Programme pédiatrique de santé mondiale de McGill a été lancé en 2014. « Le Dr Jean-Martin Laberge, un chirurgien pédiatre de l’HME qui travaille depuis des années au CHUK, a établi le premier contact avec la direction de l’établissement », explique la Dre Gillian Morantz, professeure adjointe au Département de pédiatrie, codirectrice du Programme pédiatrique de santé mondiale et pédiatre à l’HME. Sa collègue à la direction est la Dre Jennifer Turnbull, également professeure adjointe au Département de pédiatrie et pédiatre urgentiste à l’HME. Le programme vise un double objectif : favoriser la santé et le mieux-être des enfants dans des pays à faible revenu et promouvoir la formation en santé mondiale pédiatrique chez les médecins, les résidents, le personnel infirmier et les autres professionnels de la santé à l’HME.

« En 2014, la Dre Lisine Tuyisenge, alors chef du département de pédiatrie du CHUK, a visité l’HME et rencontré la Dre Perreault. Ensemble, elles ont déterminé que la néonatalogie, la néphrologie et les soins infirmiers étaient les secteurs nécessitant le plus de soutien dans l’établissement », poursuit la Dre Morantz.

La Dre Perreault s’est rendue pour la première fois à Kigali il y a un an, en compagnie d’Elissa Remmer, infirmière à l’USIN de l’HME. « Le but de cette première visite était d’observer, d’évaluer les besoins et de déterminer ce qu’il fallait faire, en plus de commencer le travail pratique », dit la Dre Perreault.


La transition de l’USIN montréalaise à celle de Kigali a donné un choc à la Dre Perreault et à Mme Remmer, un sentiment qu’ont partagé la Dre Bukeyeneza et Mme Mukandanga lors de leur visite à Montréal. « Au début, elles ont été estomaquées – par l’équipement, l’organisation, la disposition de l’unité. C’était très différent de leur réalité », dit la Dre Morantz. Rapidement, toutefois, comme l’indique la Dre Perreault, la Dre Bukeyeneza s’est concentrée sur ce qu’elle pouvait apprendre et appliquer dans son milieu. « Plusieurs en seraient restés à cette impression initiale et auraient baissé les bras, mais elle a su aller plus loin. »

Lors de son deuxième voyage à Kigali, la Dre Perreault a apporté une valise remplie de petit équipement dont l’USIN et le CHUK avaient besoin. Mais surtout, elle a proposé des solutions simples, comme le lavage des mains pour améliorer le contrôle des infections. Rien n’est toutefois aussi simple qu’il n’y paraît. « L’USIN n’a pas l’eau courante », souligne la Dre Morantz. La Dre Perreault ajoute que puisque le gel désinfectant vient aussi à manquer, les membres du personnel se lavent souvent les mains dans des récipients d’eau qu’ils apportent de la maison. « On constate aussi une surutilisation des antibiotiques, ce qui fait grimper le taux d’antibiorésistance. Selon moi, nous avons besoin d’une championne locale pour porter le changement, et nous espérons que Jocelyne pourra remplir ce rôle. »

Selon la Dre Perreault, les échanges de ce genre sont essentiels en santé mondiale. « Comment savoir ce qu’on peut faire différemment si on n’a jamais vu autre chose? » Elle espère que les connaissances et les compétences qu’acquiert le personnel du CHUK seront à terme partagées avec les hôpitaux des districts, d’où proviennent la plupart des patients. La Dre Morantz indique qu’en 2018, ils espèrent inviter des médecins des districts à Kigali pour une séance de formation sur la réanimation néonatale. La Dre Bukeyeneza aimerait aussi faire des simulations de réanimation néonatale à l’aide de mannequins au CHUK, où des simulations de patients pédiatriques plus âgés sont déjà réalisées. « Nous leur avons fourni plusieurs mannequins de simulation, dont des nouveau-nés », précise la Dre Morantz.

Les deux autres secteurs que la Dre Tuyisenge a identifiés comme ayant le plus besoin de l’appui du Programme pédiatrique de santé mondiale sont la néphrologie et les soins infirmiers. Le Dr Martin Bitzan, néphrologue pédiatre à l’HME et professeur agrégé de pédiatrie et de néphrologie à McGill, aide à mettre en place la dialyse péritonéale au CHUK et espère qu’un médecin ayant terminé sa résidence en pédiatrie dans cet hôpital puisse venir à l’HME en 2018 pour y suivre une formation en néphrologie.

Pour les soins infirmiers, Mme Mukandanga et l’équipe infirmière se concentrent d’abord sur l’organisation de la charge de travail du personnel infirmier. L’USIN du CHUK compte environ 30 lits et trois infirmières, pour un ratio de 10 patients par infirmière. À l’USIN de l’HME, le ratio habituel est de deux patients par infirmière, ou un seul dans le cas de nouveau-nés très malades. « Au CHUK, les infirmières s’occupent de tout – alimentation par gavage, nettoyage des incubateurs, approvisionnement en produits sanguins, transport des échantillons au laboratoire, perfusions intraveineuses, entretien –, ce qui est malheureux parce que leurs compétences ne sont pas maximisées », explique la Dre Perreault. « Elles sont débordées, elles font des heures supplémentaires sans être payées. » Un changement simple mais significatif a déjà apporté : demander au personnel d’entretien de prendre en charge une partie des tâches de nettoyage des infirmières.

À McGill, même si le programme est résolument tourné vers l’international, une bonne partie du personnel qui suit des cours en santé mondiale ne s’est jamais rendu dans des pays à faible revenu, et ne prévoit pas nécessairement le faire. « Beaucoup s’intéressent au travail auprès des populations vulnérables ici même au Canada, comme les enfants de divers groupes multiculturels ou autochtones », explique la Dre Morantz. « Depuis que nous avons constaté l’intérêt d’un grand nombre de nos participants, nous mettons davantage l’accent sur le travail auprès de ces populations. Malheureusement, certains problèmes de santé observés dans les pays à faible revenu sont aussi importants au sein des groupes multiculturels et autochtones au Canada. »

 
Le Programme pédiatrique de santé mondiale reçoit le soutien financier du Département de pédiatrie de l’Université McGill, de la Fondation de l’Hôpital de Montréal pour enfants, des Programmes de santé mondiale de McGill, de la bourse de déplacement en santé mondiale Bubbie et Nanny, des bourses de déplacement des Programmes de santé mondiale et de la Fondation familiale Peacock. Un nouveau protocole d’entente a récemment été signé par le nouveau chef du département de pédiatrie du CHUK, le Dr Aimable Kanyamuhunga, et le Dr Michael Shevell, directeur du Département de pédiatrie de l’Université McGill. 
La 2e Conférence de formation pédiatrique en santé mondiale a lieu du 9 au 11 novembre 2017. Renseignements : https://www.mcgill.ca/gchp/events

 

Le 9 novembre 2017