Une nouvelle étude de la Dre Gabriella Gobbi révèle les mécanismes neurobiologiques par lesquels le LSD permettrait de soulager l’anxiété

L’engouement à l’égard des psychédéliques utilisés à des fins thérapeutiques est bien réel. Toutefois, les preuves scientifiques qui soutiennent leur efficacité et qui expliquent leur mode d’action pour traiter les troubles de la santé mentale sont encore bien minces. Une nouvelle étude menée par la Dre Gabriella Gobbi, scientifique senior dans le Programme en réparation du cerveau et en neurosciences intégratives (RCNI) à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) lève le voile sur des mécanismes jusqu’alors inexpliqués – les mécanismes neurobiologiques par lesquels le LSD permettrait de soulager l’anxiété.

Si des études préliminaires suggéraient que le microdosage assisté par psychothérapie était efficace pour soulager les symptômes anxieux et dépressifs chez les personnes atteintes de problèmes psychiatriques ou neurologiques graves, les mécanismes biologiques qui sous-tendent ces effets demeuraient nébuleux à ce jour. L’étude menée par l’équipe de la Dre Gobbi démontre pour la première fois que l’administration régulière de faibles doses de LSD (acide lysergique diéthylamide) diminue les symptômes de l’anxiété par des mécanismes neurobiologiques qui s’apparentent à certaines classes d’antidépresseurs et anxiolytiques couramment prescrits : les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS). Les ISRS sont davantage connus sous leurs noms commerciaux : Prozac, Zoloft, Celexa, Cipralex, etc.

« Notre méconnaissance des processus biologiques associés aux drogues psychédéliques entrave le développement de nouveaux traitements potentiels, explique la Dre Gabriella Gobbi, également professeure et chef de l’unité de psychiatrie neurobiologique du département de psychiatrie de l’Université McGill. La compréhension des mécanismes d’action et de l’efficacité des psychédéliques nous permettra de développer une indication plus précise des médicaments hallucinogènes pour les maladies psychiatriques et neurologiques. »

Dre Gabriella Gobbi, scientifique senior à l’IR-CUSM, professeure et chef de l’unité de psychiatrie neurobiologique du département de psychiatrie de l’Université McGill.

L’étude, publiée aujourd’hui dans le journal Neuropsychopharmacology, a été menée en collaboration avec des chercheurs en psychiatrie de l’Université McGill, ainsi qu’avec des chercheurs en neurosciences de l’Université Vita Salute San Raffaele et en sciences pharmaceutiques et pharmacologiques de l’Université de Padua, en Italie.

Les mécanismes neurobiologiques sous la loupe

Selon les résultats de l’étude, l’usage de LSD permet d’augmenter la transmission nerveuse de la sérotonine, aussi appelée 5-hydroxytryptamine (5-HT). La sérotonine est un neurotransmetteur qui joue un rôle essentiel dans l’état de bien-être. Il est démontré qu’une période de stress prolongée entraîne une diminution de l’activité des neurones qui transmettent la sérotonine (neurones 5-HT). Tout comme les antidépresseurs de la classe des ISRS, le LSD désensibiliserait les récepteurs qui diminuent l’activité électrique de la sérotonine sur ces neurones, ce qui les stimule à libérer davantage de sérotonine.

L’étude de la Dre Gobbi révèle également que la prise de faibles doses de LSD favorise la formation de nouvelles épines dendritiques chez les rongeurs. Ces épines sont les branches des neurones qui sont chargées de transmettre le signal électrique au corps de la cellule nerveuse. « Nous avons démontré que le LSD peut reconstruire ces branches « démantelées » en raison du stress. C’est un signe de plasticité cérébrale », explique Danilo De Gregorio, Ph. D., aujourd’hui professeur adjoint de pharmacologie à l’Université San Raffaele à Milan et premier auteur de l’étude.

L’équipe de recherche a évalué l’administration de faibles doses ponctuelles de LSD sur une période de sept jours sur un groupe de modèles murins exposés à des conditions de stress chroniques. Elle est arrivée au constat que pour diminuer les comportements anxieux causés par le stress, des doses répétées donnaient des résultats optimaux. D’autres études sont nécessaires pour démontrer l’efficacité et les mécanismes d’action de la drogue pour les troubles dépressifs et anxieuses chez les humains.

Une autre étude de la Dre Gobbi, publiée en 2016, avait déjà démontré que les faibles doses de LSD affectaient uniquement la transmission nerveuse de la sérotonine tandis que les doses plus fortes affectaient le système dopaminergique, provoquant les effets psychotiques.

« J’ai commencé mes recherches sur les psychédéliques il y a plusieurs années, par curiosité personnelle. Comment est-il possible qu’une simple drogue puisse changer votre état d’esprit si profondément? Quel est son mécanisme d’action? À ma grande surprise, ces recherches sont maintenant sous les feux de la rampe! », s’étonne la Dre Gobbi. La prochaine étape pour son équipe sera d’évaluer les mécanismes d’actions d’autres substances psychédéliques, comme la psilocybine (le composant actif des champignons magiques) et la kétamine.

Danilo De Gregorio, Ph. D., professeur adjoint de pharmacologie à l’Université San Raffaele à Milan et premier auteur de l’étude.

Prudence et patience sont de mise

Il n’y a pas eu de progrès majeur dans les soins de psychiatrie depuis la dernière décennie. Il est primordial de développer de nouvelles alternatives thérapeutiques, car pour une certaine proportion de personnes aux prises avec de graves problèmes de santé mentale, les traitements actuels ne fonctionnent pas. Le LSD, la psilocybine, l’ayahuasca et la MDMA figurent parmi les drogues qui sont développées pour traiter différents troubles psychiatriques tels que l’anxiété, la dépression, le syndrome de stress post-traumatique et la dépendance, ainsi que certaines maladies neurodégénératives. Santé Canada a d’ailleurs autorisé le recours à des drogues psychédéliques dans un cadre clinique très strict, en janvier dernier.

Cependant, il reste du chemin à parcourir, prévient la Dre Gobbi. « L’intérêt pour le LSD vient de sa capacité à influencer les niveaux de sérotonine et à produire des sentiments de bonheur, de confiance et d’empathie, ainsi que des effets positifs sur le comportement social. Toutefois, d’autres études doivent être menées pour identifier des usages thérapeutiques efficaces et sécuritaires, car les psychédéliques peuvent causer des psychoses et effets neurotoxiques », dit la chercheuse, qui met en garde la population contre les dangers de l’automédication avec des drogues illégales.

À propos de l’étude

L’étude Repeated lysergic acid diethylamide (LSD) reverses stress-induced anxiety-like behavior, cortical synaptogenesis deficits and serotonergic neurotransmission decline a été réalisée par Gabriella Gobbi, Danilo De Gregorio, Antonio Inserra, Justine P. Enns, Athanasios Markopoulos, Michael Pileggi, Youssef El Rahimy, Martha Lopez-Canul and Stefano Comai.

DOI: 10.1038/s41386-022-01301-9

À propos de l’IR-CUSM

L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) — dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 450 chercheurs et environ 1 200 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec — Santé (FRQS). ircusm.ca

Personne-ressource pour les médias

Evelyne Dufresne
Agente d’information
Centre universitaire de santé McGill
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