Le neurogénéticien a pour défi de comprendre les maladies rares particulières au Québec.

Sommité en maladies rares, Bernard Brais, M.D., Ph. D., Directeur du Groupe des maladies neurologiques rares au Neuro, est d’abord passé par l’histoire avant de plonger dans la neurologie. Il se spécialise dans les troubles neurogénétiques à effet fondateur au Québec. Le Dr Brais revient sur son parcours professionnel, comment il a choisi son domaine de recherche et pourquoi il lui arrive d’être le huitième neurologue à qui on fait appel.

Comment avez-vous choisi votre domaine ?

Plusieurs facteurs ont convergé. Dès le début de mes études à la faculté de médecine en 1980, j’ai rencontré William Feindel, qui était le directeur du Neuro à l’époque et comme moi un passionné d’histoire. J’ai passé beaucoup de temps avec lui, à côtoyer les souvenirs et les papiers de Wilder Penfield, le premier directeur du Neuro, et je me suis rendu compte que le Neuro était une institution incroyable.

Au même moment, ma mère a eu une condition neurologique et je me suis retrouvé à venir lui rendre visite à l’hôpital, où elle était prise en charge par des neurologues. C’est à ce moment que je me suis dit : je veux faire ce métier, c’est vraiment quelque chose qui m’intéresse.

Mon troisième contact important avec la neurologie a été George Karpati, un neurologue spécialiste des maladies neuromusculaires, que j’ai rencontré lors de mes cours. J’ai ainsi découvert qu’il était possible de faire de la recherche dans le domaine neuromusculaire au Neuro.

Ma dernière rencontre déterminante a été celle de Charles Scriver, un de mes professeurs à McGill, qui était au palmarès des meilleurs généticiens au monde. Il m’a convaincu que mon intérêt pour l’histoire des maladies neurologiques au Québec était un domaine dans lequel je pouvais faire carrière.

On parle d’une période, le début des années 1980, où il y avait de grands changements dans la technologie utilisée en génétique. Ces avancées permettaient de penser que l’étude de la population québécoise francophone, à cause de son effet fondateur, allait permettre de faire de grandes avancées en génétique.

Par une concomitance exceptionnelle, l’histoire, la neurologie, le Neuro, et la génétique se sont alignés et ont fini par faciliter mon plan de carrière. J’allais devenir neurogénéticien et faire partie d’une des disciplines, la neurogénétique, qui a connu un grand essor et qui a, tant soit peu, transformé la neurologie moderne.

À quoi ressemblent vos journées de travail ?

Il y a une constante : il n’existe pas de journée typique.

Comme je suis clinicien-chercheur, il y a des jours que je passe entièrement dans un laboratoire de recherche fondamentale. Puis il y a des journées hybrides avec une partie recherche et une partie clinique, où je passe un peu de temps à voir des patients. Enfin, il y a des journées de clinique dédiées, où je vois surtout des cas qui ont déjà été vus par sept autres neurologues.

« On ne sait pas ce que ces patients ont, et je me retrouve un peu à la fin de l’exercice diagnostique pour trouver s’il y a une cause génétique. Reste que l’essentiel de mon activité clinique au Neuro est de voir des patients qui ont des pathologies rares à caractère génétique dont la cause est connue ou complètement inconnue. »

Le Neuro est particulièrement bien outillé pour faire ce type de travail. On dispose de plateformes diagnostiques de très haut niveau et on a accès à des collègues qui ont des expertises pointues dans toutes sortes de domaines. C’est vraiment un milieu riche où on ne se sent pas seul pour aider nos patients.

À quelles questions voulez-vous répondre avec votre recherche ?

Il y a plusieurs questions qui me fascinent. Côté macro, c’est ce grand défi d’essayer de comprendre comment l’héritage génétique canadien-français influence la santé. Qu’est-ce qui fait qu’il y a certaines maladies plus communes au Québec, pour des raisons génétiques ? Et plus particulièrement dans certaines régions du Québec, par exemple l’ataxie spastique autosomique récessive de type Charlevoix-Saguenay (ARSACS). Mais plus encore : qu’est-ce qui permettrait de traiter ces maladies ?

Pour ma recherche plus pointue, c’est : quels éléments, dans des gènes connus ou inconnus, sont responsables de certaines présentations cliniques ? Je dis souvent à mes élèves qu’il reste encore des maladies à découvrir. Il y a certains cas où on ne sait pas encore ce qu’a le patient. On arrive quelquefois à trouver un traitement ou à en trouver la cause.

Il y a une grande diversité dans les activités de recherche auxquelles je participe, mais aussi un fil conducteur, soit cette idée que certaines maladies rares sont plus fréquentes au Québec qu’ailleurs au Canada, et elles méritent notre intérêt et notre investissement.

Travaillez-vous en collaboration avec d’autres chercheurs et cliniciens au neuro ?

Je collabore avec des chercheurs fondamentaux du Neuro, souvent de façon ponctuelle. On voit un gène et on découvre qu’un des plus grands experts sur ce gène se trouve au Neuro, donc on discute pour voir ce qu’on pourrait faire ensemble.

C’est pareil du côté clinique. Il faut savoir que nos collègues sont curieux, et donc que la collaboration est facile. L’avantage d’être dans une institution comme le Neuro c’est qu’on est un centre d’excellence. On travaille avec les patients pour essayer de trouver ce qu’ils ont. Toujours avec la même obsession : comprendre pour traiter.