_SIM IMG_1454Le 14 septembre 2006 marquait l’ouverture du Centre de simulation médicale de l’Université McGill – le premier du genre au Canada. En recréant des situations bien réelles à l’aide de faux patients, le Centre de simulation et d’apprentissage interactif Steinberg (renommé ainsi en octobre 2015) a permis à des milliers d’apprenants en sciences de la santé de se mettre à l’épreuve tout en ayant droit à l’erreur.

Pour souligner son 10e anniversaire, le Centre a organisé une série d’activités spéciales les 14 et 15 septembre. Plus de 200 personnes se sont réunies dans la salle Moyse pour assister à une conférence publique sur la simulation de missions d’exploration sur Mars prononcée par la Pre Kim Binsted, de l’Université d’Hawaii, chercheuse principale du projet HI-SEAS de la NASA. Une vidéo émouvante a également été projetée en hommage à feu Arnold Steinberg, grand allié de la Faculté de médecine, qui a donné son nom au Centre.

Le lendemain ont eu lieu une conférence scientifique donnée par le Dr Richard Reznick, doyen de la Faculté des sciences de la santé de l’Université Queen’s, ainsi qu’une table ronde spéciale animée par le Dr Raj Aggarwal, directeur du Centre de simulation et d’apprentissage interactif Steinberg, à laquelle ont participé la Pre Binsted et le Dr Reznick, ainsi que le Dr Amitai Ziv, directeur fondateur du Centre de simulation médicale d’Israël.

En plus de ces activités spéciales, le Centre a également marqué son anniversaire par l’achèvement des travaux d’agrandissement de ses installations de formation et de recherche.

« L’expansion est associée à un don important de 7,5 millions de dollars que nous avons reçu de la Fondation Steinberg en octobre dernier », explique le DRaj Aggarwal, qui est également professeur agrégé de chirurgie à l’Université McGill. « La moitié de cette somme est consacrée à l’agrandissement des locaux, et l’autre est engagée pour faire progresser notre programme de recherche et d’innovation. » Le projet permettra au Centre de doubler sa superficie, de 18 000 à 30 000 pieds carrés, et de mettre encore davantage l’accent sur la recherche et l’innovation multidisciplinaires.

Un héritage philanthropique

L’arrivée de la formation médicale par simulation a donné l’occasion à la Faculté de médecine d’améliorer l’enseignement de la médecine, avec l’appui enthousiaste d’Arnold Steinberg. Les Steinberg sont depuis longtemps des alliés précieux du Centre qui porte leur nom : Arnold, ancien chancelier de l’Université McGill, homme d’affaires et philanthrope, a été l’un des acteurs de la création du Centre en 2006.

« Difficile de trouver quelqu’un dont l’apport à l’Université McGill au cours des dernières années aurait été plus important ou plus profond que celui d’Arnold Steinberg », avance le Dr David Eidelman, doyen de la Faculté de médecine. « C’était quelqu’un de passionné par le domaine de la santé, qui souhaitait de tout cœur contribuer à améliorer la santé des Canadiens. »

À ses débuts, le Centre était à l’avant-garde de la simulation médicale au Canada et dans le monde. « Puis, au fil du temps, beaucoup d’universités et de centres nous ont rattrapés », indique le Dr Aggarwal. « Arnold et moi en avons discuté. Nous nous sommes demandé quel avenir nous visions pour le Centre. Il m’a dit «Raj, nous voulons redevenir les meilleurs au monde. Que devons-nous faire pour y parvenir?» »

Toutes les études démontrent que les formations offertes au Centre, qu’elles portent sur le travail d’équipe, l’insertion de cathéters centraux ou la chirurgie laparoscopique, permettent de diminuer radicalement le nombre d’erreurs et d’améliorer les résultats pour les patients. Devant ce succès incontesté, la décision a été prise d’agrandir les installations du Centre et d’accentuer les efforts déployés en recherche et en innovation.

Un nouveau chapitre

« J’aimerais que les gens voient nos nouvelles installations comme un laboratoire vivant, une sorte de système de santé autonome où peuvent être formés les professionnels de la santé et les patients eux-mêmes », explique le Dr Aggarwal. « Nous pouvons ensuite mobiliser ces deux groupes pour décider où concentrer nos efforts de recherche et d’innovation en santé, y compris les nouveaux processus ou les nouveaux produits que nous pourrions implanter dans le réseau. »

Une grande partie de ce processus repose sur la collaboration accrue, non seulement entre les différentes disciplines de la santé, mais également entre différentes facultés, comme celles de génie et de gestion. La principale force du Centre n’a pas changé : perfectionner les compétences cliniques, la communication et le travail d’équipe dans un environnement simulé. Cet environnement, cependant, a été perfectionné et agrandi pour reproduire plus exactement les scénarios auxquels sont confrontées chaque jour les équipes soignantes.

« Nous avons ajouté une unité de soins simulée qui est identique à la réalité. Le poste de soins infirmiers, la salle d’attente, le placard de rangement, la salle de rencontre d’équipe y sont et peuvent faire partie des simulations », poursuit le Dr Aggarwal. « Nous avons également construit une salle d’opération complète en tous points pareille à une salle d’opération réelle, où nous pourrons mener des simulations à grande échelle. »

Le Centre ayant entre autres pour mission de progresser constamment et de demeurer à l’avant-garde, le Dr Aggarwal souhaite le voir refléter l’évolution des soins aux patients dans la collectivité. « L’un des aspects les plus emballants et novateurs du projet est la construction d’un appartement simulé de 1 000 pieds carrés, qui comprend un salon et salle à manger, une cuisine, une chambre et une salle de bains, et que l’on peut utiliser pour former les cliniciens aux soins à domicile. »

Pour s’adapter à une nouvelle réalité, il faut toutefois changer les habitudes et les croyances. Le Dr Aggarwal souhaite remettre en question certaines trajectoires de soins établies – mais uniquement lorsque les solutions de rechange auront été mises à l’essai et éprouvées au Centre de simulation.

Par exemple, que se passerait-il si l’on amenait les victimes de crise cardiaque directement de l’ambulance à la salle de cathétérisme cardiaque, sans passer par l’urgence? Ou si l’on renvoyait les patients ayant subi une chirurgie complexe à la maison le jour même, pour ensuite effectuer la surveillance postopératoire à la maison? « C’est un énorme changement par rapport à nos méthodes actuelles – imaginez essayer de le mettre en application dans un système complexe de soins comme celui de McGill », explique le Dr Aggarwal. « Mais on pourrait le faire au sein du Centre de simulation. Nous pouvons concevoir de nouvelles trajectoires de soins, puis essentiellement simuler ce que donneraient les nouvelles politiques dans la pratique. »

Les nouveaux locaux s’ajoutent aux installations de simulation existantes, composées de trois grandes zones. La première compte 10 salles de clinique qui peuvent devenir une salle d’urgence ou d’unité d’hospitalisation selon les besoins de la simulation. La deuxième vise à pratiquer des tâches cliniques, de l’insertion d’une canule intraveineuse à des interventions chirurgicales complexes pratiquées sur cadavre. La dernière, connue sous le nom de salle haute-fidélité, sert à la formation en équipe en situation d’urgence dans une unité de soins intensifs, une salle d’opération ou une salle de traumatologie.

De nombreuses simulations se déroulent avec l’aide d’acteurs montréalais qui jouent un rôle détaillé, par exemple celui d’une « femme de 45 ans, divorcée et mère de trois enfants, qui a un chien nommé Billy et qui souffre de douleur abdominale », explique le Dr Aggarwal. « C’est un peu comme un tournage, il y a un scénario et des acteurs. Mais les cliniciens n’ont pas accès à l’ensemble du texte, ils n’ont qu’un résumé du dossier, comme lorsqu’ils vont voir un patient à l’urgence ou dans les unités. » Les salles sont équipées de miroirs semi-réfléchissants qui permettent d’observer les simulations pour formuler des commentaires. Des mannequins et des modèles animaux sont également utilisés pour certaines simulations axées sur des tâches techniques.

Quinze fois sur le métier

L’importance du Centre de simulation prend tout son sens chez les étudiants qui y reçoivent une partie de leur formation. Malgré leur haut niveau de difficulté, les séances de simulation sont extrêmement populaires – plus de 600 sont maintenant données par année.

« Je crois que les simulations sont essentielles à notre formation médicale, et qu’elles sont sous-estimées à l’heure actuelle », estime Doulia Hamad, étudiante mcgilloise en troisième année de médecine. « La culture axée sur l’exécution de nombreuses heures de formation, les listes de vérification et les protocoles standardisés n’est pas bien implantée en médecine, contrairement à d’autres domaines à haute responsabilité comme l’aviation et le génie civil. »

« J’ai vu des résidents pratiquement fondre en larmes au moment d’expliquer ce que signifie une ordonnance de non-réanimation », ajoute Linda Crelinsten, ancienne directrice adjointe du Centre. « Mais ici, personne ne vous reproche vos erreurs; vous pouvez déconstruire la situation et y revenir pour expliquer pourquoi vous le faites de cette façon. »

Les aspects de la formation touchant les émotions et la communication ont souvent été laissés de côté au profit de la formation clinique en sciences de la santé. Or, les étudiants aiment avoir l’occasion de s’exercer dans des scénarios plus délicats et nuancés avant de se retrouver devant de véritables patients. « Cela nous permet de nous exercer à des tâches qui peuvent créer un malaise, comme s’informer des antécédents sexuels d’un patient, pour mieux servir nos patients dans la vraie vie », indique Mary Koziol, également étudiante en troisième année de médecine à McGill.

Cet avantage ne concerne pas seulement les futurs médecins, mais bien l’ensemble du corps étudiant de la Faculté de médecine. « À l’origine, on mettait surtout l’accent sur la formation médicale, mais de plus en plus, tous les programmes professionnels en santé utilisent le Centre de simulation pour enrichir les compétences qu’on ne peut acquérir seulement en salle de classe », souligne la Pre Annette Majnemer, vice-doyenne exécutive, Éducation à la Faculté de médecine. « C’est génial. »

Les étudiants y voient l’avenir de la formation médicale. « Peut-être qu’un jour, on remplacera l’approche «voir, faire, enseigner» par l’approche «observer, s’exercer quinze fois, puis le faire à son tour!» », conclut Brian Tran, étudiant mcgillois en deuxième année de médecine.

Le 20 octobre 2016