Un camp de l’Université McGill incite les jeunes Autochtones à briguer une carrière en sciences de la santé

 

Le camp Eagle Spirit est en évolution. Lancé en 2005 par la Maison des Premières nations, il a d’abord pris la forme d’un camp de trois jours organisé par l’Université McGill pour les jeunes Autochtones et axé sur les sports, l’éducation et la vie étudiante. Depuis, près de 350 jeunes ont participé à ce camp annuel, renforcé leurs capacités de leadership et découvert les cultures et les traditions de chacun. En 2017, sous la direction du Programme autochtone des professions de la santé (APS) de la Faculté de médecine et soutenu par la Faculté d’éducation, le camp est devenu le camp Eagle Spirit Science Futures pour témoigner de la plus grande importance accordée aux carrières en sciences de la santé.

« Le camp conserve le même esprit et accorde la même importance à la culture, mais sa présentation et sa structure ont été transformées pour promouvoir les sciences de la santé et le savoir traditionnel, explique la gestionnaire du Programme APS, Jessica Barudin. Nous voulons inspirer les jeunes Autochtones à réaliser leurs rêves et leurs objectifs et à les inciter à se projeter et à projeter leur culture et leurs valeurs dans les sciences et l’éducation. »

Bien des gens ont contribué à la transformation du camp. Lors d’un atelier de consultation communautaire de deux jours tenu en avril 2016, des personnes de divers horizons ont échangé sur ce à quoi devrait ressembler le programme et la structure, des détails les plus infimes aux thèmes plus vastes. Jim Howden, directeur du Bureau de l’éducation des Premières nations et des Inuits, a contribué au processus consultatif et continue de participer activement au programme du camp. Ryder Cote, un ancien campeur, a donné ses idées et ses points de vue à titre de représentant des jeunes au sein du comité organisateur du camp. « J’ai eu le grand privilège de participer à ce processus et d’assister aux réunions, explique Ryder, qui est revenu au camp au poste d’assistant-moniteur cette année. Voir la date approcher et être ici maintenant, participer au camp en temps réel, c’est vraiment extraordinaire. Nous comptons sur une excellente équipe de mentors. »

 
Découvrir les professions de la santé

À la mi-juillet, le camp Eagle Spirit Science Futures d’une durée d’une semaine accueillait 11 campeurs intelligents et allumés des nations des Algonquins, des Mi’gmaqs, des Inuits et des Mohawks, soutenus de près par sept moniteurs et assistants-moniteurs, tous Autochtones et la plupart d’anciens campeurs.

Le docteur David Eidelman, vice-principal (Santé et affaires médicales) et doyen de la Faculté de médecine, a souhaité la bienvenue aux campeurs à l’Université McGill. « Pendant la semaine, vous aurez la chance de voir comment les choses se font, de rêver d’avenir et d’être inspirés, leur a-t-il dit. Vous découvrirez les diverses fonctions qu’occupent les professionnels de la santé et vous aurez l’occasion de vous projeter dans ces rôles. »

Chaque journée au camp commençait par une histoire traditionnelle des Aînés et des détenteurs du savoir, suivie d’échanges et de réflexions, de périodes d’apprentissage et d’activités en laboratoire. Pendant l’après-midi, des ateliers pratiques et coopératifs, animés par les divisions des soins infirmiers, de la médecine, de la physiothérapie et de l’ergothérapie, des soins dentaires, des sciences et des troubles de la communication, de la diététique et de la nutrition humaine, étaient organisés à divers emplacements du campus McGill du centre-ville et du campus Macdonald.

Pour la campeuse Quill Cote Nottaway, les ateliers de simulation qui faisaient appel à des simulateurs de tâche organisés au Centre de simulation et d’apprentissage interactif Steinberg lui ont donné confiance et ont suscité son intérêt pour la médecine. « Le camp m’a donné envie d’aller en médecine, raconte Quill. Après avoir été au centre de simulation, je pense que je pourrais le faire… J’ai adoré prélever du sang. » Après s’être essayée à faire une suture et une ligature, sa copine campeuse Kendra Paul a aussi ajouté les professions de la santé à sa liste de possibilités de carrière. « J’ai vraiment aimé recoudre les gens, s’exclame Kendra, et je suis bonne! »

« De nombreux jeunes Autochtones pensent qu’il leur est impossible de devenir médecins, infirmières ou d’embrasser n’importe quelle autre profession de la santé à cause des possibilités restreintes dans leur communauté, précise le docteur Kent Saylor, directeur du Programme APS. Nous sommes là pour leur montrer que c’est possible et qu’il y a une place pour eux ici, à McGill. De nombreux dispensateurs de soins autochtones confient qu’à un moment de leur vie, ils ont pris leur décision : “C’est ça, je vais étudier pour devenir médecin (ou un autre professionnel de la santé) et rien ne m’arrêtera.” Nous espérons que le camp Eagle Spirit Science Futures sera l’élément déclencheur pour certains de ces jeunes. »

 
Comprendre notre effet sur la Terre par la science

« Au camp, nous faisons appel à l’apprentissage systémique et expérientiel pour mobiliser et stimuler les élèves et pour développer leur littératie scientifique, explique Mike Diabo, de la nation Kitigan Zibi et éducateur du camp. Nous commençons chaque journée par une histoire sur la création, nous échangeons et réfléchissons à ses fondements scientifiques, puis nous entreprenons des activités et des laboratoires scientifiques pour la soutenir. Un point commun ressort de cet échange d’histoires autochtones : la relation des humains avec la Terre, l’approche holistique. Nous voulons que les élèves comprennent qu’ils ont une influence sur tout ce qu’ils font, mais nous voulons aussi qu’ils découvrent les outils utilisés dans la méthode occidentale. »

Pendant une semaine très chargée, les campeurs ont exploré plusieurs thèmes majeurs et pertinents et ont travaillé en équipes pour trouver des solutions scientifiques à certains des problèmes qu’affrontent les communautés autochtones, tels que l’absence d’eau potable dans les communautés isolées, la dépendance aux combustibles fossiles et leurs effets sur l’environnement, de même que l’effet du pH de l’eau sur le brochet. Les équipes ont présenté leurs projets à la communauté dans le cadre d’une exposition à la fin de la semaine. « Chaque jour, je proposais un plus gros défi aux jeunes, et ils trouvaient des solutions. Nous avons certainement accompli les objectifs que nous nous étions fixés, se réjouit Mike. Les jeunes ont vécu une expérience magnifique et enrichissante. Je suis fier d’eux! »

 
Une semaine de partage

De nombreuses activités traditionnelles ont été intégrées aux sorties quotidiennes, y compris des périodes pour que les élèves passent du temps ensemble, jouent à des jeux et socialisent tout en découvrant la culture, les coutumes et la langue des autres. Pour bien des campeurs, les activités sportives représentaient un excellent moyen de forger des liens et de se souvenir de chez eux. Grâce à ces expériences communes, les élèves et les moniteurs se sont beaucoup rapprochés. Ils ont trouvé très enrichissant de rencontrer divers étudiants en soins de santé et professionnels de la santé et de leur poser des questions.

Abbey Frazer, qui venait de terminer sa première année en médecine à l’Université McGill, est devenue monitrice pour être une mentore auprès des jeunes campeurs. Issue de la communauté mohawk des Six-Nations, elle a toujours adoré les sciences et a reçu un énorme soutien de ses parents, tous deux diplômés de la Faculté de dentisterie de l’Université McGill, qui l’ont encouragé à réaliser ses rêves. « Il n’y a vraiment pas assez de professionnels de la santé autochtones, alors les jeunes n’ont pas de modèles pour les encourager dans leur communauté. J’ai eu de la chance avec mes parents, et j’espère pouvoir aider ces élèves. »

Madeline Yaaka, une assistante-monitrice, a grandi à Kangiqsujuaq, un petit village inuit du Nunavik. Cette ancienne campeuse, qui souhaite mener une carrière en sciences de la santé, a expliqué que c’est son expérience au camp Eagle Spirit Science Futures qui a éveillé son intérêt. « J’étais campeuse ici l’an dernier en 11e année, et le camp m’a vraiment motivée. Je n’avais jamais vraiment envisagé cette option auparavant. J’ai toujours pensé qu’il serait très difficile de mener une carrière en sciences, mais le point de vue des étudiants de McGill sur la possibilité de faire ce que l’on veut quand on s’y met m’a vraiment motivée. Les moniteurs m’ont montré que n’importe qui peut réussir, quelle que soit leur origine. » Madeline est sur la bonne voie, puisqu’elle est inscrite en biochimie à l’université Queen’s à l’automne. Elle est de retour comme assistante-monitrice cette année, pour orienter et inspirer les plus jeunes campeurs.

« On apporte tous quelque chose à cette école par notre communauté, les Aînés et les enseignants de chez nous », souligne l’infirmière Meghan Eaker qui vient d’une communauté crie de l’Alberta. Elle effectue une maîtrise en soins infirmiers à l’Université McGill et a donné ces conseils aux élèves qui s’inquiètent d’être si loin de chez eux. « Il y a de bonnes ressources comme la Maison des Premières nations partout où vous allez. Il est parfois difficile de les trouver, et il faut du temps pour créer des liens. Il y aura des difficultés, mais chacun peut puiser la force en soi. Appuyez-vous sur votre communauté; elle peut vraiment vous aider. »

 
Maintenir des liens

Alex Gray, le coordonnateur du camp, a passé la semaine avec le groupe très soudé, s’assurant que chacun ait les ressources et le soutien dont il avait besoin. Ce diplômé en physiologie de l’Université McGill participe au camp depuis plus de 12 ans. D’abord campeur, il a été moniteur et est maintenant coordonnateur. Il comprend l’importance du camp et s’intéresse passionnément aux problèmes de santé dans les communautés autochtones. « Les problèmes de santé sont parfois décuplés dans les communautés autochtones par rapport à la population générale. Le diabète a grimpé en flèche, et il y a beaucoup de cancer et de maladies cardiaques. Ce camp fait la promotion des professions de la santé auprès des jeunes pour qu’ils puissent aider leur communauté à leur façon. On veut qu’ils sachent qu’ils peuvent acquérir les compétences nécessaires et qu’on les soutiendra pendant le processus. »

Les moniteurs et les organisateurs souhaitent garder le contact avec les campeurs, et c’est pourquoi ils ont mis sur pied un système de tutorat et de mentorat électronique (eTM). Les membres du Programme APS seront jumelés à des élèves du camp et seront invités à garder le contact pour parler de l’école, donner des conseils ou les aider dans tous les autres aspects de leur vie personnelle ou scolaire.

Si vous voulez être bénévole au camp de l’an prochain ou faire partie du comité d’étudiants organisateurs, écrivez à indigenous.health@mcgill.ca. Pour en savoir plus sur le Programme autochtone des professions de la santé, écrivez à Jessica.barudin@mcgill.ca.

 


 

Photos par Philemon Beaudet


 

Le 3 août 2018