Un enfant ayant subi un accident de la route. Un jeune homme blessé lors d’un accident de chasse. Une adolescente qui se fracture la colonne vertébrale en plongeant. Les accidents peuvent survenir n’importe où, n’importe quand.

Les centres de traumatologie sont souvent de grands hôpitaux de soins tertiaires bien équipés pour la prise en charge de ces cas. Or, le Québec est vaste et bon nombre des traumatismes graves se produisent loin de ces centres de soins tertiaires. Ces victimes en état critique sont transportées à l’hôpital le plus près, où le personnel leur prodigue des soins vitaux, les évalue et stabilise leur état jusqu’à ce qu’on puisse les transférer dans un centre de traumatologie.

Les interventions de réanimation initiales, en particulier celles qui sont pratiquées dans la première heure suivant l’accident, ont un effet déterminant sur l’issue thérapeutique pour le patient. Bien que les équipes des établissements locaux soient constituées de médecins et de professionnels qualifiés, la nature de ces cas peu fréquents, mais aux enjeux colossaux, rend essentielles les activités de développement professionnel continu en traumatologie.

C’est dans cette optique que des professionnels de la santé de partout au Québec se sont réunis le 20 novembre pour une formation sur les bases de la prise en charge de patients traumatisés en état critique. L’atelier Soins avancés en traumatologie : de l’enfant à l’adulte, organisé par le Centre de simulation et d’apprentissage interactif Steinberg (CSAIS) de l’Université McGill, s’inscrivait dans le cadre des Journées de formation interdisciplinaire de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ). Ce cours, animé par des spécialistes qui connaissent à la fois les milieux de soins tertiaires et ceux où les ressources sont limitées, a fait appel à des pratiques de simulation de pointe.

Développement professionnel continu pour les médecins spécialistes du Québec

La FMSQ, une organisation-cadre regroupant 35 associations et représentant 59 spécialités médicales, compte plus de 10 000 médecins spécialistes de partout au Québec. Le Dr Sam Daniel, professeur en chirurgie pédiatrique et en oto-rhino-laryngologie à l’Université McGill et directeur du Développement professionnel continu à la FMSQ, souligne que la formation continue de ses membres fait partie des missions prioritaires de la Fédération, qui s’assure ainsi que les patients du Québec recevront les meilleurs soins médicaux possibles. La FMSQ travaille souvent en partenariat avec des centres de simulation de la province pour offrir ces activités de formation.

Dr Sam Daniel

« Il n’y a rien qui vaut un centre de simulation pour offrir un environnement sécuritaire où nos médecins peuvent perfectionner leurs habiletés, apprendre de nouvelles techniques et améliorer les soins qu’ils prodiguent à leurs patients, explique le Dr Daniel. Nous sommes très reconnaissants à nos partenaires de longue date, l’Université McGill et le CSAIS, de nous avoir offert cette occasion d’apprentissage. Nous avons été très impressionnés par la qualité de l’atelier et par la profondeur des connaissances des enseignants et du personnel. »

Tuhinur Islam, technicien de simulation

Un atelier unique en son genre

Ce qui distingue cet atelier, c’est la manière dont il présente les similitudes entre les enfants et les adultes en traumatologie tout en mettant de l’avant les différences majeures entre ces deux groupes de patients, explique le Dr Farhan Bhanji, directeur de l’enseignement au CSAIS et coresponsable de la mise au point du cours avec les Drs Dan Deckelbaum et Dan Poenaru.

Dr Farhan Bhanji

« Nous voulons que les médecins qui exercent à l’extérieur des centres de soins tertiaires se sentent aptes à prendre en charge les patients de tous âges en traumatologie. Il existe déjà des cours de traumatologie orientés sur les patients adultes, par exemple le cours de soins avancés de réanimation traumatologique (ATLS©), ou les enfants, par exemple le cours sur la réanimation des enfants victimes de traumatismes (TRIK), mais personne n’avait encore réuni les deux aspects de manière à offrir un atelier complet sur les soins en traumatologie pour tous les âges, continue le Dr Bhanji. Le cours est par ailleurs basé sur la simulation, ce qui engage à la fois l’intellect et les émotions des apprenants. La recherche a montré qu’il s’agit de la meilleure méthode pédagogique pour amener les apprenants à intégrer leurs acquis dans leur pratique. »

Mettre l’accent sur le travail d’équipe dans les milieux aux ressources limitées

Le Dr Deckelbaum est chirurgien-traumatologue et intensiviste au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), et directeur de la formation en chirurgie au CSAIS. Il est également codirecteur du Centre pour la chirurgie mondiale et il a adapté les pratiques de formation des équipes à partir de ses propres expériences de travail international dans des milieux aux ressources limitées.

« Souvent, dans les petits hôpitaux, les équipes soignantes se trouvent dans des situations difficiles. Elles doivent prendre en charge des cas graves, tout comme les grands centres de traumatologie, mais elles n’ont pas les ressources nécessaires pour adopter une approche holistique. Ce cours est conçu pour les aider à réaliser des interventions de réanimation de pointe en équipe. » Le Dr Deckelbaum note l’importance de comprendre les rôles et les responsabilités de chacun des membres de l’équipe multidisciplinaire et de s’exercer ensemble, afin que les attentes soient claires.

Apprendre en toute sécurité

Cette approche interpelle fortement le Dr Mathieu Ratté Larouche, chirurgien orthopédiste de Trois-Rivières, qui estime très utile de mieux comprendre le rôle de chacun des membres de l’équipe et d’avoir la possibilité d’exercer ces rôles et ces techniques. « On reçoit beaucoup de traumatisés à l’hôpital. Ce qui est intéressant ici, c’est que j’apprends le rôle d’un peu de tout le monde, même si souvent dans mon hôpital on va me demander de me concentrer sur l’aspect musculosquelettique. Maintenant, je suis capable d’assister dans les autres tâches, parce que cette équipe-là a un but commun, qui est finalement de sauver le patient. »

Dr Dan Poenaru (à gauche), Dr Mathieu Ratté Larouche (à droite)

Pour le Dr Ratté Larouche, en s’exerçant en toute sécurité dans un environnement de simulation très stressant, les équipes se préparent à travailler sous pression tout en restant rapides et efficaces : « Dans la vie d’un docteur ou d’un professionnel de la santé, l’erreur, on ne l’accepte pas. C’est même difficile de vivre avec ça. Tandis qu’aujourd’hui, on est ici pour se tromper, pour se le faire dire, pour apprendre. J’invite tout le monde à pratiquer la simulation, parce que c’est là qu’on peut se dépasser et s’améliorer. Honnêtement, je pense qu’on va devenir de meilleurs médecins à cause de ça. »

La Dre Geneviѐve Soucy, chirurgienne généraliste qui travaille dans un petit hôpital de la Gaspésie, a également saisi l’occasion d’apprendre par la simulation. « On sort un peu de notre zone de confort quand on fait des simulations. La traumatologie, on n’en voit pas tous les jours non plus. Ce sont des situations qui peuvent être un peu dramatiques. On apprend toujours. J’ai beaucoup appris pour peaufiner mes stratégies de communication. Je trouve que nos instructeurs nous donnent des bons conseils, ils font de bonnes critiques. Ils ne se gênent pas pour nous faire des commentaires, et je pense que c’est important. Ils sont capables de reconnaitre les erreurs qu’on peut être amenés à faire dans une situation réelle. Si je peux ramener ce que j’ai appris à mon équipe, dans un petit centre, ce serait un plus. Si on peut améliorer les prochaines réanimations, les prochaines situations de trauma, je pense que ça pourrait aider tout le monde. »

Dre Geneviève Soucy (à gauche), Dr Dan Deckelbaum (à droite)

Suivre l’évolution des besoins

Compte tenu de l’évolution constante de la médecine et des soins de santé, il est difficile de rester au fait de toutes les nouveautés – d’où l’importance du développement professionnel continu.

« Nos instructeurs ont sauté sur cette occasion d’aider leurs collègues dès qu’ils en ont eu vent; ils se sont empressés de planifier ce cours pour les aider à améliorer les soins aux patients. J’en suis très fier », se souvient le Dr Bhanji.

Dr Chady El Tawil (à gauche), Dr Joe Nemeth (à droite)

Le Dr Joe Nemeth fait partie de ces instructeurs. Il est urgentologue et chef d’équipe de traumatologie au CUSM, de même que professeur agrégé au Département de médecine d’urgence de l’Université McGill. Selon lui, il y a un besoin criant de formation en traumatologie, autant pour les soins aux adultes qu’en pédiatrie : « Le groupe formé pour dispenser ce cours possède une vaste expérience en enseignement en plus d’avoir vécu des situations cliniques diverses et complexes en traumatologie. C’est une initiative pédagogique intéressante pour toutes les parties concernées, y compris le corps professoral. »

Au total, 15 participants et 7 instructeurs se sont réunis un samedi pour explorer les possibilités d’apprentissage et d’amélioration des soins aux patients à l’occasion de l’atelier Soins avancés en traumatologie : de l’enfant à l’adulte.« C’est incroyable de constater une telle volonté de participer et d’améliorer ses connaissances, ses habiletés techniques et sa capacité à travailler en équipe afin d’offrir un meilleur service à la collectivité », s’est réjoui le Dr Deckelbaum.

En travaillant à la conception du cours, le Dr Poenaru, chirurgien pédiatrique, a eu l’occasion enrichissante d’interagir avec des spécialistes des soins de santé de toute la province, de répondre à leurs questions et d’apaiser leurs inquiétudes. « Je dirais qu’au final, la confiance est le principal acquis à l’issue de cet atelier. Les participants savent que la prochaine fois qu’ils seront devant un cas de traumatologie qui leur est peu familier, ils pourront prodiguer des soins à leur patient en toute confiance. Ils sont prêts. Ça, pour moi, ça vaut de l’or. »

De gauche à droite : Dr Dan Deckelbaum, Dr Fabio Botelho, Dr Chady El Tawil, Dr Dan Poenaru, Dr Farhan Bhanji

Rizalyn Cuera, monitrice de simulation (à gauche) avec le Dr Fabio Botelho (à droite)

Dre Katherine McKendy (à droite)