Dr Duncan Pedersen et Dr Laurence J. Kirmayer
World-mental-health-dayLe nouveau domaine de la santé mentale mondiale, en pleine évolution, vise à comprendre et à atténuer les énormes disparités à l’échelle mondiale sur les plans de la prévention et du traitement des problèmes de santé mentale. Trop souvent, les enjeux liés à la santé mentale sont jugés peu prioritaires dans les objectifs régionaux et internationaux en matière de développement et de santé.

Les questions de santé mentale mondiale sont explorées depuis longtemps à l’Université McGill. La Division de psychiatrie sociale et transculturelle, fondée en 1956, a établi des collaborations cliniques et de recherche avec des collectivités partout dans le monde, ainsi qu’avec des communautés autochtones, des minorités ethnoculturelles et des groupes de réfugiés au Canada.

La santé mentale mondiale peut être envisagée sous divers angles, mais les stratégies les plus efficaces sont source de controverse. Des tensions constantes existent en effet entre deux types d’approches. D’une part, l’approche dite « de santé publique » vise à appliquer les pratiques actuelles fondées sur des données probantes (provenant majoritairement des pays riches) aux problèmes caractérisés selon les classifications occidentales des troubles mentaux, la plupart du temps en déployant des interventions en santé mentale issues des pratiques professionnelles. D’autre part, l’approche sociale et culturelle, dite « ascendante », consiste à écouter la population locale, à comprendre la conception locale des problèmes et des priorités, ainsi qu’à mettre à profit et à renforcer les ressources communautaires pour parvenir à des solutions globales et durables. Pourrait-on conjuguer les perspectives issues de la psychiatrie et de la psychologie à celles de l’anthropologie et des autres sciences sociales afin de comprendre les problèmes de santé mentale dans leur contexte social et culturel?

Les plus grandes disparités en santé mentale dans le monde sont indissociables des forces de la mondialisation et des crises actuelles à l’échelle planétaire. Les problèmes majeurs comme le réchauffement climatique, l’épuisement des ressources, la dégradation des écosystèmes, la pauvreté et les inégalités sociales, les conflits violents, les guerres et la migration forcée sont modelés par les valeurs et les pratiques culturelles à l’échelle locale et mondiale. Cet ensemble de problèmes contemporains s’inscrit dans un réseau de causes contribuant à la répartition mondiale des troubles mentaux (et à leur apparente intensification) et façonne de manière décisive le programme de recherche en santé mentale mondiale, qui vise la mise en œuvre de mesures efficaces.

Pour être équilibré, un tel programme de recherche doit être axé non seulement sur les modèles et interventions neurobiologiques ou moléculaires, mais également sur le contexte plus large englobant les déterminants sociaux, culturels, environnementaux et économiques de la maladie et du bien-être. L’an prochain, dans le cadre du 22programme d’été annuel en psychiatrie sociale et culturelle, nous organiserons un institut d’été international sur le thème « Psychiatry for a Small Planet », portant sur les approches écosociales en santé mentale mondiale. Nous invitons les étudiants et collègues qui s’intéressent à ces questions à suivre nos séminaires mensuels sur la santé mentale mondiale et à prendre part au programme d’été. La diversité culturelle et intellectuelle de notre propre communauté est l’une des clés qui nous permettront d’appréhender la diversité à l’échelle mondiale et d’en tirer parti comme source de vigueur et de résilience.

Le DDuncan Pedersen est directeur du programme de santé mentale mondiale, Division de psychiatrie sociale et transculturelle, Université McGill. Le DLaurence J. Kirmayer est professeur titulaire d’une Chaire James McGill et directeur de la Division de psychiatrie sociale et transculturelle de l’Université McGill.