La découverte de chercheurs montréalais pourrait aider les médecins à diagnostiquer une maladie rare
Dans le cadre d’une collaboration unique entre l’Hôpital Shriners pour enfants – Canada, le CHU Sainte-Justine et l’Université McGill, les chercheurs ont identifié des mutations génétiques en cause dans une rare maladie causant la scoliose et des malformations osseuses.
Les résultats de leur étude, publiés dans The American Journal of Human Genetics, pourraient faciliter le diagnostic et mener un jour à la mise au point de traitements contre cette maladie génétique.
La collaboration de recherche commence lorsque la pédiatre traitant la petite Amaya observe qu’en plus d’un pli anormal à la cuisse, les hanches du nourrisson ne sont pas tout à fait alignées. Amaya est référée à l’Hôpital Shriners pour enfants – Canada. Reggie Hamdy, M.D., médecin-chef de l’hôpital et professeur aux départements de chirurgie pédiatrique et de chirurgie de la Faculté de médecine de McGill, effectue donc des examens approfondis pour, en effet, découvrir une déformation des hanches et une scoliose chez Amaya.
L’équipe du Shriners suspecte une cause génétique et réfère la patiente à Philippe Campeau, M.D., un généticien spécialisé en maladies de l’os qui travaille à l’hôpital Shriners et au CHU Sainte-Justine. Il sera en mesure de faire des tests plus pointus et ultimement d’identifier le mécanisme génétique défectueux.
L’historique médical et les radiographies d’Amaya sont compatibles avec la dysplasie spondylométaphysaire (SMD en anglais), un terme médical qui englobe scoliose et plaques de croissance anormales. Or, il existe divers gènes responsables de cette maladie.
Au début, le Dr Campeau et son équipe testent les gènes connus déjà associés à la SMD, mais les tests s’avèrent négatifs. On s’en remet donc aux tests de recherche plus poussés. « Les résultats ont montré qu’il y avait une mutation de la fibronectine, une protéine importante qui se retrouve dans le sang et dans les tissus conjonctifs comme le cartilage », explique le Dr Campeau. Auparavant, des mutations de la fibronectine avaient été constatées dans une maladie rénale, la glomérulopathie, par d’autres chercheurs, mais jamais dans une maladie osseuse. Avant d’identifier la mutation de la fibronectine d’Amaya, le Dr Campeau avait observé des mutations de la fibronectine chez d’autres enfants ayant la même maladie, grâce au séquençage d’exome (la lecture des 20 000 gènes). « Je travaille depuis plus de trois ans avec Dieter Reinhardt, Ph. D., aux facultés de médecine et de médecine dentaire de l’Université McGill, afin de mieux comprendre comment certaines mutations de la fibronectine peuvent affecter les os ».
Le laboratoire du Dr Reinhardt étudie les protéines de la matrice extracellulaire, leur fonctionnement les unes par rapport aux autres et les conséquences négatives des mutations génétiques. « Le Dr Campeau m’a demandé si nous pouvions tenter de comprendre le mécanisme cellulaire de ces mutations de la fibronectine, qui, en temps normal, est un organisateur de la matrice extracellulaire. C’est à ce moment-là que nous sommes devenus partenaires du projet de recherche. Le Réseau de recherche en santé buccodentaire et osseuse a d’ailleurs immédiatement financé l’équipe de ce projet émergent », explique le Dr Reinhardt. « Ainsi, nous avons sélectionné trois mutations des sept identifiées chez différents patients ». Les travaux ont démontré que les mutations étudiées empêchent les cellules de sécréter la fibronectine. Ces travaux ont été effectués par Chae Syng (Jason) Lee, assistant de recherche au laboratoire du Dr Reinhardt, aidé de He Fu, alors étudiant postdoctoral dans le laboratoire du Dr Campeau. L’hypothèse actuelle est que ce phénomène de blocage de la sécrétion de la fibronectine se produit dans les cellules du cartilage (notamment aux plaques de croissance) et empêche conséquemment une croissance normale des os.
La publication des résultats de recherche de ces deux équipes dans The American Journal of Human Genetics est vraiment importante. Outre la découverte et l’avancement scientifique, il s’agit d’une maladie génétique qui, bien que rare, n’en reste pas moins un facteur de risque de récurrence pour les générations qui suivent. Savoir qu’Amaya pourrait un jour désirer avoir des enfants rend l’identification du gène responsable importante. Pour l’instant, 12 familles à travers le monde ont cette maladie mais ce nombre est uniquement déduit des discussions entre collègues généticiens. Dans les années à venir, il y aura certainement beaucoup plus de familles identifiées suite à la publication de la découverte des Drs Campeau et Reinhardt. En connaissant le gène, il est possible de comprendre comment la mutation mène à la maladie et d’ici quelques années d’arriver potentiellement au stade thérapeutique. L’étudiante Nissan Baratang dans le laboratoire du Dr Campeau travaille sur un modèle murin de cette maladie dans cet objectif. Cette découverte aura aussi des retombées au-delà de la dysplasie spondyloépiphysaire et de la compréhension du rôle de la fibronectine dans le cartilage : les Drs Campeau et Reinhardt, avec la collaboration de la Dre Florina Moldovan du CHUSJ et du Dr Stefan Parent, chirurgien orthopédique au CHUSJ et au Shriners, ont également trouvé des mutations de la fibronectine dans des familles avec une autre maladie osseuse plus fréquente.
« Mutations in fibronectin cause a subtype of spondylometaphyseal dysplasia with ‘corner fractures », Chae Syng Lee, et al., publié en ligne le 2 novembre 2017, The American Journal of Human Genetics DOI: https://doi.org/10.1016/j.ajhg.2017.09.019
Le 2 novembre 2017