De nouvelles études passionnantes au Neuro étudient un programme d’entraînement cérébral ciblé et un nouveau traitement potentiel pour le stade précoce de la maladie d’Alzheimer

Janvier est le mois de la sensibilisation à la maladie d’Alzheimer et deux nouvelles études à l’Unité de recherche clinique du Neuro (URC) s’attaquent au déclin cognitif dans le but d’aider les Canadiens à rester indépendants plus longtemps. Une des études examine comment un programme d’entraînement cérébral informatisé peut améliorer la concentration et la capacité du cerveau à rester en forme ; l’autre étude se penche une nouvelle voie potentielle pour ralentir la progression de la maladie d’Alzheimer précoce.

Déjouer le cerveau

Selon la Société Alzheimer du Canada, près de 40 % des personnes de plus de 65 ans souffrent d’une forme quelconque de perte de mémoire, connue sous le nom de trouble de la mémoire lié à l’âge. Les conseils d’experts indiquent que nous devons rester actifs mentalement pour éviter un déclin cognitif et une éventuelle démence. Mais comment savons-nous ce qui fonctionne vraiment pour garder un cerveau agile et vif d’esprit?

« Dans ma clinique, je vois des patients qui ont des problèmes de mémoire et ils sont inquiets. Ils me disent qu’ils font des mots croisés tous les jours ; mais on sait maintenant que les mots croisés ne servent pas à grand-chose », explique le Dr Étienne de Villers-Sidani, neurologue spécialisé en troubles cognitifs au Neuro (Institut-Hôpital neurologique de Montréal). « Afin de montrer des avantages, nous avons besoin d’un type d’entraînement qui implique vos sens, qui implique votre attention et qui devient de plus en plus difficile avec le temps. »

Le Dr de Villers-Sidani est le chercheur principal de l’étude INHANCE qui se déroule à l’Unité de recherche clinique du Neuro. Cette étude examine l’impact d’un programme d’entraînement cérébral informatisé conçu par Posit Science à l’Université de Californie à San Francisco qui espère montrer une amélioration de la santé neurologique en ciblant un entraînement de l’agilité et la vivacité mentale. L’étude examinera non seulement les résultats des participants sur les mesures cognitives standardisées, mais évaluera également leur niveau d’acétylcholine, une substance chimique produite dans le cerveau lorsque nous nous concentrons.

« En vieillissant, les substances chimiques du cerveau qui sont importantes pour l’attention et la plasticité cérébrale — c’est-à-dire la capacité du cerveau à changer — ont tendance à diminuer naturellement. Et ce processus s’accélère dans un certain nombre de troubles neurodégénératifs, comme la maladie d’Alzheimer », explique le Dr de Villers-Sidani.

Puissance par positrons

En 2017, l’Association Alzheimer a publié les résultats d’une étude sur 10 ans aux États-Unis qui a révélé qu’un entraînement cérébral informatisé individualisé réduisait l’incidence de développer la maladie d’Alzheimer de près de 30 %. L’étude INHANCE vise à aller plus loin, en examinant si ce type d’entraînement cérébral peut réellement modifier la chimie du cerveau de manière fondamentale.

« Il n’y a pas de données à ce sujet. Ce que nous essayons de faire avec cette étude en mesurant l’acétylcholine, c’est de démontrer que le cerveau peut réguler positivement et augmenter sa production de ce produit chimique très important pour le bon fonctionnement du cerveau », explique le Dr de Villers-Sidani.

Posit Science a reçu un financement des National Institutes of Health aux États-Unis pour l’étude INHANCE et a engagé l’Unité de recherche clinique du Neuro pour mener l’essai. Le Neuro est bien connu pour son unité de tomographie par émission de positrons (TEP), une technologie émergente pour l’évaluation clinique de nombreux processus pathologiques.

« Le Neuro est l’un des seuls endroits au monde équipé pour mesurer les niveaux d’acétylcholine dans le cerveau. Le ligand — une molécule qui se lie à une protéine réceptrice — qui est utilisé dans l’imagerie a été développé pour la première fois en collaboration avec l’unité TEP du Neuro. Il n’a été utilisé que dans une poignée d’autres endroits dans le monde », ajoute le Dr de Villers-Sidani.

L’essai INHANCE recherche des participants en bonne santé âgés de plus de 65 ans qui utiliseraient ce programme d’entraînement cérébral quotidien 30 minutes par jour à la maison pendant plusieurs semaines. Les données anonymes de l’étude seront également disponibles dans LORIS, une plateforme d’imagerie scientifique ouverte au Neuro qui permettra aux chercheurs du monde entier de demander l’accès pour poursuivre leurs recherches.

Le Dr de Villers-Sidani espère que cet entraînement pour l’agilité et la vivacité mentale pourra faire une réelle différence. « Si les résultats de l’étude sont positifs, cela pourrait avoir un impact sur la gestion clinique assez rapidement, car ce logiciel existe déjà. »

Traiter la maladie d’Alzheimer plus précocement

La Société Alzheimer du Canada estime qu’il y a un demi-million de personnes de plus de 65 ans atteintes de démence aujourd’hui, et que ce nombre devrait presque doubler au cours de la prochaine décennie. La démence est un terme générique désignant un ensemble de troubles, y compris la maladie d’Alzheimer, qui altèrent les fonctions cérébrales. Les symptômes comprennent un déclin de la mémoire, du langage et du jugement; des défis physiques avec l’équilibre et le mouvement; ainsi que des changements d’humeur et de comportement. Ce sont des troubles chroniques qui s’aggravent avec le temps.

L’URC du Neuro est le seul site au Québec à participer à un essai international majeur testant un nouveau médicament qui espère ralentir le déclin cognitif chez les participants déjà atteints de la maladie d’Alzheimer au stade précoce. Cet essai de phase II testera l’innocuité d’un nouveau médicament potentiel ainsi que ses effets sur l’accumulation de la protéine tau dans le cerveau.

«Il existe deux anomalies majeures entraînant des symptômes dans la maladie d’Alzheimer. Il y a des plaques de bêta-amyloïde et il y a des enchevêtrements neurofibrillaires causés par une accumulation d’une protéine appelée tau qui s’accumule à l’intérieur des neurones », explique le Dr Simon Ducharme, neuropsychiatre et directeur de la Division de gérontopsychiatrie de l’Université McGill, qui est le principal chercheur de l’essai clinique AuTonomy au Neuro.

La protéine tau dans la mire

« Ce qui est intéressant à propos de la protéine tau est qu’elle s’accumule dans les endroits du cerveau liés aux symptômes, par exemple le centre de la mémoire autour de l’hippocampe, tandis que les plaques de bêta-amyloïde sont plus dispersées. Il y a donc un lien très important entre ces accumulations et les symptômes réels de la démence. Pourtant, l’approche de cibler la protéine tau a été beaucoup moins explorée en termes d’essais cliniques testant de nouveaux traitements », explique le Dr Ducharme.

À ce jour, la grande majorité des études testant de nouveaux médicaments pour traiter la maladie d’Alzheimer se sont concentrées sur la bêta-amyloïde et elles n’ont en grande partie pas réussi à ralentir la maladie. Un médicament récemment approuvé a montré un léger ralentissement de la progression, mais les patients ont continué à se détériorer malgré le traitement. « Nous espérons qu’en ciblant la protéine tau, cette étude débouchera sur une thérapie modificatrice de la maladie, qui pourra stabiliser ou ralentir la progression de la maladie », explique le Dr Ducharme.

L’étude AuTonomy s’adresse aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer à un stade précoce ou de trouble cognitif légèr présentant des signes de tau cérébral élevé. À cette étape, les patients ont des changements biologiques dans leur cerveau et peuvent éprouver des pertes de mémoire, des difficultés à chercher des mots et des troubles de l’orientation. « À ce stade, on peut voir sur les tests biologiques que ces problèmes sont causés par la maladie d’Alzheimer au niveau du cerveau, mais ces individus demeurent relativement indépendants », explique le Dr Ducharme.

Le médicament expérimental testé dans l’étude AuTonomy est innovant ; il teste un mécanisme d’anticorps passif qui se lie à des formes spécifiques de Tau phosphorylé pour faciliter son élimination par le cerveau grâce aux cellules microgliales. En d’autres termes, il a le potentiel de diminuer la propagation de tau dans le cerveau, ce qui pourrait ralentir la progression de la maladie.

« Il y aura probablement un moment où nous pourrons combiner ces différentes approches – bêta-amyloïde et anti-Tau. Nos recherches actuelles construisent vraiment l’arsenal pour ralentir la progression de la maladie. Le but ultime serait de voir une stabilisation de la maladie d’Alzheimer », conclut le Dr Ducharme.

Pour plus d’information sur ces deux essais, contacter l’équipe neurocognitive de l’Unité de recherche clinique du Neuro à info-cru.neuro@mcgill.ca ou visitez cru.mcgill.ca/fr/ad_fr/.