Ces 10-15 dernières années, le nombre d’enfants à qui on a diagnostiqué le trouble du spectre de l’autisme (TSA) s’est accru. Un grand nombre d’entre eux finissent donc leurs études secondaires et poursuivront des études supérieures ou entreront sur le marché du travail. Cette phase de leur vie apporte un nouveau défi, car bien que nombre de mécanismes aient été établis dans le système scolaire pour aider les élèves ayant un TSA à se débrouiller, il existe peu de services à leur intention lorsqu’ils quittent le système et il n’existe pas beaucoup de recherche sur le type de services efficaces pour les adultes ayant un TSA.
« On a beaucoup insisté sur un diagnostic précoce durant la petite enfance et l’amorce d’interventions dès que possible – ce qui est incontestablement important », de dire Aparna Nadig, Ph. D., professeure agrégée à l’École des sciences de la communication humaine de la Faculté de médecine de l’Université McGill. « Mais l’autisme est un état qui dure toute la vie et de nombreux autistes sont oubliés lorsqu’ils quittent le système scolaire. »
Cette situation a amené la Pre Nadig à développer un programme de soutien à la transition pour des adultes autistes, en collaboration avec la Pre Tara Flanagan, professeure adjointe au Département de psychopédagogie et de psychologie du counseling de l’Université McGill. L’équipe a reçu une généreuse subvention de la Max Bell Foundation en vue d’un essai clinique randomisé sur le travail de service et d’entraide, afin de faire ressortir le besoin de services pour les adultes ayant un TSA. Le programme vise les adultes de 18 à 30 ans qui sont dans le segment supérieur du spectre de l’autisme – c.-à-d. qui n’ont pas de déficience intellectuelle et qui ont donc probablement moins d’options en matière de soutien après avoir quitté l’école.
« Les gens que nous ciblons sont très capables, mais les statistiques sur la façon dont ils se débrouillent dans la vie et sur leurs résultats dans la vie sont désolantes », précise la Pre Nadig. « Ainsi, malgré de bonnes aptitudes langagières et un Q.I. élevé, ils éprouvent des difficultés à s’intégrer au marché normal du travail et dans leurs communautés et ne s’épanouissent pas pleinement, en raison du manque de bonnes mesures de soutien. »
Conçu comme un service de groupe, le programme prévoit dix semaines de rencontres durant un trimestre scolaire afin de développer des aptitudes générales à la vie courante utiles pendant une période de transition de la vie, en insistant sur la communication sociale, l’auto-détermination et les aptitudes de travail avec d’autres ou de travail en équipe. Le programme est unique, car son curriculum s’articule autour des besoins déclarés par les participants mêmes, l’auto-détermination étant souvent exprimée comme un domaine de grand besoin. Les séances sont animées par des étudiants des cycles supérieurs à l’École des sciences de la communication humaine et en psychopédagogie, afin de les sensibiliser et de leur donner l’expérience du travail avec des adultes ayant un TSA.
Bien que les services fournis par ce groupe de soutien à la transition soient des plus nécessaires et se soient révélés un vif succès, la Pre Nadig souligne que le décollage du programme représentait un défi.
« Au départ, le processus de recrutement a été lent, car ces personnes ne sont plus à l’école. Nous avons donc fréquenté les foires de ressources, consulté des bulletins, visité les cégeps et nous avons travaillé au recrutement pendant des mois », dit-elle. Parallèlement, les Pres Nadig et Flanagan se faisaient dire que ce serait non seulement difficile de trouver cette population, mais qu’en cas de réussite, ces jeunes adultes ne se pointeraient probablement pas aux rencontres de groupe chaque semaine.
Or, lorsque cela s’est su, de nombreuses personnes étaient sur la liste d’attente pour la première séance, qui a eu lieu en 2013. Au total, quarante adultes ayant un TSA ont participé au programme. Les dernières séances viennent de se terminer. Les résultats de l’essai clinique randomisé seront dévoilés bientôt et une réunion des intervenants aura lieu prochainement pour communiquer les conclusions. Les participants ont trouvé le programme très bénéfique.
« J’y ai trouvé beaucoup de matière à réflexion », a souligné Stephen Barrington Leigh, qui vit à Edmonton et a pris part au programme pendant qu’il vivait à Montréal avec sa sœur qui l’a encouragé à participer. « Les sujets de choix étaient très utiles. Je trouve un peu difficile d’être avec des personnes ayant un TSA comme moi, mais j’y suis parvenu. Je pense avoir appris beaucoup [du programme]. Je le reprendrais sans hésiter et je le recommanderais à quiconque est atteint d’un TSA. »
La Pre Nadig fait remarquer que le taux d’assistance frôlait le 100 % et que le principal reproche des participants était que le service prenait fin après 10 semaines et n’était pas continu. « Démarrer le programme a peut-être été laborieux, mais son besoin est criant et il a été très apprécié par les personnes que nous cherchions à aider, et ça, c’est vraiment gratifiant. »
Le 2 avril 2015