Des chercheurs associent pour la première fois des mutations sur le gène FANCI au risque de développer un cancer de l’ovaire

Le cancer de l’ovaire touche environ 3000 femmes par année au Canada. Bien que la plupart des cas soient sporadiques, il existe des formes héréditaires qui sont en grande majorité attribuées à des mutations sur les gènes BRCA1 et BRCA2, qui sont aussi impliqués dans le cancer du sein. Toutefois, certaines familles ne présentant pas de gènes de prédisposition au cancer connus sont aux prises avec des multiples cas de cancer de l’ovaire, ce qui suggère que des mutations sur des gènes encore inconnus restent à découvrir.

Partant de ce constat, des scientifiques de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) se sont lancés à la découverte de nouveaux gènes conférant un risque de cancer de l’ovaire. Les résultats de leur étude, publiés dans Genome Medicine, démontrent qu’une mutation sur le gène FANCI serait davantage présente chez les patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire et ayant des antécédents familiaux de ce type de cancer que chez les personnes sans cancer, suggérant qu’elle pourrait influencer le risque de développer ce cancer. Leur étude, menée auprès d’échantillons de populations québécoise d’origine française, canadienne d’origines diverses et australienne, pourrait influencer le dépistage génétique du cancer de l’ovaire, une maladie pour laquelle il existe peu de thérapies et dont le taux de survie est inférieur à 30 %.

« Grâce à la bioinformatique, nous avons a d’abord ciblé des gènes qui jouent un rôle dans la réparation de l’ADN, comme le font BRCA1 et BRCA2, et c’est ce qui nous a menés sur les traces du gène FANCI », explique la Dre Patricia Tonin, chercheuse principale de l’étude et scientifique senior au sein du Programme de recherche sur le cancer à l’IR-CUSM. « Cette étude fait ressortir l’importance de rechercher des variants lors de la phase de découverte de gènes, en particulier lorsque des candidats génétiques plausibles sont révélés par des analyses de familles de cancers définies. »

Les chercheurs se sont d’abord intéressés à deux sœurs qui étaient atteintes de cancer de l’ovaire et qui avaient des antécédents familiaux de cancer de l’ovaire, mais qui n’avaient pas de variants pathogènes BRCA1 ou BRCA2. Des tests génétiques effectués par séquençage de nouvelle génération, en collaboration avec le Dr Jiannis Ragoussis, chef des sciences du génome au Centre de génomique de McGill et professeur au Département de génétique humaine de l’Université McGill, ont permis de déterminer qu’elles étaient porteuses d’une mutation sur le gène FANCI, qui possède certaines caractéristiques communes aux gènes BRCA1 et BRCA2.

Les chercheurs ont ensuite séquencé des cas familiaux de cancer de l’ovaire et ont comparé les fréquences des variants chez les personnes atteintes et non atteintes de cancer de l’ovaire dans un bassin de population de Québécois d’origine française. Cette population présente un paysage génétique unique en raison du partage d’informations génétiques provenant d’ancêtres communs qui peuvent être retracés jusqu’aux premières populations qui ont émigré d’Europe occidentale et qui ont peuplé le Québec depuis les années 1600.

« En raison du nombre relativement faible d’ancêtres, de l’expansion rapide et de l’isolement géographique de la petite population française fondatrice du Québec au cours de la période allant de 1608 à 1760, une perte de variation génétique s’est produite, entraînant des vagues d’expansion ultérieures de variants spécifiques », explique Caitlin Fierheller, première auteure de l’étude, doctorante au département de génétique humaine à McGill et stagiaire à l’IR-CUSM. « Par conséquent, les variants candidats pour le cancer de l’ovaire peuvent être plus facilement identifiés chez les Canadiens français que dans la population générale lorsqu’on compare les cas de cancer aux cas sans cancer. »

L’équipe de recherche a découvert que la mutation FANCI qu’elle avait identifiée était plus fréquente chez les personnes atteintes d’un cancer de l’ovaire. En raison de la nature et de la fréquence des variants FANCI découverts au Québec, l’équipe a voulu recueillir des preuves supplémentaires que la mutation produisait bel et bien une protéine aberrante. Ils se sont adressés à un biologiste moléculaire spécialisé dans la biochimie des voies de réparation de l’ADN qui étudiait déjà la biologie du gène FANCI, le Dr Jean-Yves Masson, professeur au Département de biologie moléculaire, de biochimie médicale et de pathologie de l’Université Laval et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval, axe Oncologie. Le Dr Masson a testé le variant et a constaté qu’il s’agissait bien d’une protéine au fonctionnement anormal.

L’équipe a poursuivi l’investigation auprès de Canadiens d’origine autre que française, puis auprès d’une population australienne, et est arrivée au même constat.

« Nos résultats montrent que le variant FANCI que nous avons découvert est présent dans différentes populations et qu’il joue un rôle dans le risque de cancer de l’ovaire », dit la Dre Tonin, qui est également professeure au Département de médecine et au Département de génétique humaine de l’Université McGill.

Les auteurs de l’étude soulignent également que d’autres facteurs génétiques, environnementaux ou liés à l’hôte pourraient affecter le risque de cancer de l’ovaire chez les porteurs de variants de FANCI. Par exemple, leurs travaux suggèrent que les porteurs d’une mutation FANCI qui ont pris des contraceptifs oraux n’ont pas encore développé de cancer de l’ovire.

Des études de réplication dans des groupes plus importants devront être menées dans le monde entier pour confirmer ces résultats. De plus, des études visant à préciser le risque de cancer conféré aux variants de FANCI devront être réalisées afin d’informer les pratiques de dépistage génétique médical effectuées dans le but de gérer le risque associé au cancer de l’ovaire, et le cancer lui-même chez les porteurs.

À propos de l’étude

L’étude A functionally impaired missense variant identified in French Canadian families implicates FANCI as a candidate ovarian cancer-predisposing gene a été menée par Caitlin T Fierheller, Laure Guitton-Sert, Wejdan M Alenezi, Timothée Revil, Kathleen K Oros, Yuandi Gao, Karine Bedard, Suzanna L Arcand, Corinne Serruya, Supriya Behl, Liliane Meunier, Hubert Fleury, Eleanor Fewings, Deepak N Subramanian, Javad Nadaf, Jeffrey P Bruce, Rachel Bell, Diane Provencher, William D Foulkes, Zaki El Haffaf, Anne-Marie Mes-Masson, Jacek Majewski, Trevor J Pugh, Marc Tischkowitz, Paul A James, Ian G Campbell, Celia M T Greenwood, Jiannis Ragoussis, Jean-Yves Masson et Patricia N Tonin.

DOI: 10.1186/s13073-021-00998-5

Cette recherche a été rendue possible grâce au financement des Instituts de recherche en santé du Canada, de la Société de recherche sur le cancer, de Cancer de l’ovaire Canada, de la Fondation canadienne pour l’innovation – Fonds des initiatives scientifiques majeures, de Génome Canada, du Fonds de recherche du Québec-Santé, de la Fondation du cancer du sein du Québec et du Département de médecine de McGill.