C’est cet été que David Eidelman, MDCM, conclura son mandat, après avoir occupé le poste de vice-principal (Santé et affaires médicales) et doyen de la Faculté de médecine et des sciences de la santé pendant plus de 10 ans. Le Dr Eidelman a gouverné la Faculté à travers des eaux tumultueuses, nommément la pandémie de COVID-19, et pendant d’importantes transformations, comme l’inauguration du campus francophone de l’École de médecine à Gatineau. Nous avons discuté avec le Dr Eidelman de certains des moments marquants de son mandat et de ce qu’il prévoit faire une fois que sa successeuse, Lesley Fellows, MDCM, aura pris le relais, le 1er août. 

Vous occupez le poste de doyen de la Faculté de médecine et des sciences de la santé depuis 2011. Quels sont les points saillants de votre mandat? 

Ce qui m’a le plus marqué, c’est mon travail avec les membres de notre extraordinaire communauté : des apprenants et apprenantes aux membres du corps professoral en passant par le personnel administratif et de soutien et les membres de l’équipe de direction. Ce fut un grand privilège d’avoir pu m’appuyer sur une solide équipe de gens merveilleux pendant les dix dernières années. Ils m’ont permis de réaliser des projets qui auraient autrement été hors de ma portée. 

L’inauguration de notre campus francophone à Gatineau fut un autre point culminant, une véritable œuvre d’amour exécutée par nos collègues de la Faculté. Ce campus renforce notre engagement de longue date envers la prestation de soins de santé et l’enseignement de la médecine en Outaouais et ailleurs au Québec. 

J’ai aussi eu l’honneur d’être en poste lors du changement de nom de la Faculté et de la création de trois nouvelles écoles distinctes : l’École de médecine, l’École de santé des populations et de santé mondiale et l’École des sciences biomédicales. La multitude des changements met en relief la nature pluriprofessionnelle et multidisciplinaire de notre Faculté et fait ressortir les contributions de nos écoles à la réalisation de nos missions, y compris l’École des sciences infirmières Ingram, l’École de physiothérapie et d’ergothérapie et l’École des sciences de la communication humaine. 

Vous avez dû vous attaquer à de nombreux défis durant votre mandat. À votre avis, lequel était le plus redoutable? 

La pandémie est sans aucun doute ce que nous avons vécu de plus difficile ces dernières années. Non seulement a-t-elle bousculé nos vies, mais elle a aussi révélé les faiblesses de notre système de santé. Durant cette période, l’enseignement, l’apprentissage, la recherche, la prestation des soins aux patients et l’offre de services universitaires à la Faculté ont subi de nombreuses perturbations. Heureusement, les membres de la Faculté ont réuni leurs forces et réussi à garder le cap, et même à exceller tout en combattant sans relâche contre les effets de la COVID-19 dans nos collectivités. Nous avons bien reçu la formation à cet effet, mais la tâche n’était pas facile pour autant. Je ne pourrai jamais les remercier assez pour tous leurs efforts. 

Après les morts tragiques de George Floyd et de Joyce Echaquan, nous avons dû examiner sérieusement l’emprise du racisme systémique en éducation et en soins de santé. Nous nous efforçons de nous améliorer et de faire de la Faculté un milieu bienveillant et accueillant pour les personnes de tous les horizons, notamment grâce à notre campagne Le poids des mots. L’équité, la diversité et l’inclusion sont au cœur des priorités de notre Faculté, et notre communauté est déterminée à maintenir ces valeurs au premier plan et à veiller à ce qu’elles inspirent toutes nos actions. Il reste encore beaucoup de travail à faire, mais je crois sincèrement que nous sommes sur la bonne voie. Merci à nos partenaires au Bureau de la responsabilité sociale et de l’engagement communautaire et au Programme autochtone des professions de la santé de la FMSS ainsi qu’à l’équipe Équité et au Bureau des initiatives autochtones de McGill pour leur aide. 

Vous avez fait vos études ici, à McGill, à partir de 1972 et vous avez joint les rangs du corps enseignant en 1984. Quels changements avez-vous observés, en commençant avec la perspective étudiante? 

À la fin de mes études, j’avais l’impression d’être à la fine pointe de la médecine; avec le recul je vois bien à quel point nos méthodes étaient primitives, par rapport à ce que nous pouvons faire aujourd’hui. Nous n’avions pas de méga-données et la génomique n’existait pas encore. La liste des domaines qui étaient encore inexplorés est bien longue! Du point de vue de l’étudiant que j’étais à l’époque, je dirais qu’il était plus facile d’intégrer la profession. Les études en médecine étaient difficiles, mais plus faciles qu’elles le sont aujourd’hui : nous n’avions simplement pas autant de choses à savoir, et les spécialités étaient moins pointues. Malheureusement, de nos jours, les étudiants et étudiantes se tracassent d’accéder à leur spécialité choisie dès leur première année. 

Qu’est-ce qui a changé pour les membres du corps professoral? 

Nous étions bien moins nombreux, et la Faculté était bien plus petite : un monde gravitant autour de l’Hôpital général juif, de l’Hôpital Royal-Victoria et de l’Hôpital général de Montréal, les deux derniers étant à distance de marche du bureau du doyen! Aujourd’hui, le Glen est un site d’enseignement de premier plan et l’Hôpital général juif a pris de l’expansion. Les équipes interprofessionnelles sont beaucoup plus importantes aujourd’hui qu’elles ne l’étaient à l’époque. Les notions d’équité, de diversité et d’inclusion reliées au genre, à la race, à l’ethnicité, à la culture, à l’orientation sexuelle, à l’origine socioéconomique ou à la langue étaient absentes. Le français a pris, à juste titre, beaucoup de plus de place. À mes débuts, bien des membres de l’effectif étudiant et du corps professoral venaient ici sans parler français. 

D’un point de vue universitaire, il était plus facile d’obtenir du financement pour la recherche. Aussi, l’enseignement des professions de la santé est supervisé avec beaucoup plus de rigueur aujourd’hui, dans toutes les écoles. Nous avons maintenant l’Institut d’éducation en sciences de la santé et chacune de nos écoles compte des spécialistes en pédagogie, une discipline universitaire à part entière. 

Quelles sont les clés de l’accomplissement des missions de la Faculté? 

Il faut d’abord une communauté étudiante hors pair, une étape facile puisque nous avons les meilleurs étudiants et étudiantes. Le corps professoral joue aussi un rôle crucial, et nous avons eu la chance de recruter des gens exceptionnels. Il faut un personnel administratif compétent, et nous pouvons compter sur certaines des personnes les plus remarquables, qui se dévouent sans réserve aux missions de l’Université et de la Faculté. 

Un solide soutien gouvernemental est vital; au Québec, ce soutien nous vient du gouvernement provincial, qui se montre généreux avec ses universités en soutenant fermement nos missions de recherche et d’éducation. Pour faire concurrence aux grandes universités, nous avons aussi besoin de l’aide de nos donateurs et amis. Je suis convaincu que ce qui permet à McGill de se distinguer des autres facultés de sciences de la santé, c’est le soutien de nos donateurs. C’est leur aide qui nous permet de dépasser nos limites et d’atteindre des niveaux qui ne nous seraient pas accessibles, compte tenu de notre profil financier; le soutien de nos donateurs nous permet d’exceller. 

Il est temps de sortir votre boule de cristal : comment imaginez-vous les soins de santé dans 10, 20, 50 ans? 

Un certain nombre de facteurs stimulent le changement, par exemple les facteurs démographiques, les mouvements de population, les changements climatiques, les inégalités sociales. Bien entendu, les avancées technologiques, telles que celles qui s’annoncent en intelligence artificielle, auront de profondes répercussions. À mon avis, les technologies développeront les capacités des médecins, comme ce fut le cas par le passé; par contre, le rôle qu’ils jouent est appelé à changer. Le personnel infirmier, les physiothérapeutes, les ergothérapeutes, les orthophonistes verront aussi leurs capacités croître, sans que leurs interactions directes avec les patients puissent être, en aucun cas, remplacées par les outils technologiques. Comme bien des baby-boomers, j’ai écouté beaucoup de Star Trek. Les médecins y sont toujours présents, même si l’action se déroule dans un futur lointain. Ils ont accès à des outils incroyables, mais ce sont tout de même des médecins. Je sais que ce n’est qu’une émission de télévision, mais elle reflète tout de même un fait indéniable : même s’ils peuvent compter sur la technologie, les gens veulent recevoir leurs soins d’une personne avec laquelle ils peuvent interagir. 

Je ne peux pas prévoir comment l’ensemble de ces facteurs fera évoluer les soins de santé; certains des changements à venir nous seront très, très bénéfiques, et il se pourrait que quelques-uns d’entre eux ne le soient pas. Il reviendra aux doyennes et aux doyens à venir de guider les Facultés dans la bonne direction, pour nous aider collectivement à tirer parti des occasions formidables qui se présenteront tout en évitant les écueils. 

Voilà une belle transition vers la prochaine question : avez-vous des conseils à transmettre à votre successeuse, Lesley Fellows? 

Je suis convaincu que Lesley le comprendra rapidement, mais j’ai mis du temps à saisir à quel point ce rôle diffère de ceux de médecin en chef et de directeur du Département de médecine que j’occupais auparavant. J’avais sous-estimé l’ampleur du changement en entrant dans mes nouvelles fonctions. Lesley occupait un rôle très important à titre de vice-doyenne exécutive, Affaires professorales, mais celui qu’elle s’apprête à jouer est bien différent. Une autre chose, que je lui ai déjà mentionnée : c’est un travail très exigeant, mais aussi tout à fait plaisant. J’ai pu voir, apprendre et faire des choses qu’aucun autre poste ne m’aurait permis. Il y a certainement eu des moments où je me suis demandé pourquoi j’avais accepté de me lancer dans cette aventure, mais il y en a eu d’autres où je ne pouvais pas m’empêcher de sourire d’une oreille à l’autre, tellement j’étais heureux d’en faire partie. Maintenant que j’ai 11 ans et demi d’expérience, je peux dire que les bons moments l’emportent largement sur les mauvais. 

Qu’avez-vous prévu une fois que votre mandat aura pris fin? 

Ma priorité : prendre de vraies vacances et en profiter pleinement. J’ai aussi pensé à retourner en recherche et à enseigner, mais je n’ai encore rien décidé, si ce n’est de mes vacances. 

Et que ferez-vous de vos temps libres?  

Je suis un passionné de photographie et de programmation. Ce sont mes passe-temps favoris; ils me permettent de combiner mon côté artistique et mon intérêt pour les nouvelles technologiques. J’espère donc avoir du temps à consacrer à ces deux activités, mais surtout à la photographie que j’ai délaissée durant la pandémie. Je manque un peu de pratique et j’ai très hâte de m’y remettre! 

J’espère aussi avoir l’occasion de rendre visite à mes petits-enfants, qui vivent au Texas. Ce n’est pas la porte à côté! J’espère donc qu’ils viendront me visiter cet été et que je pourrai aller les voir au Texas à l’automne. 

Avez-vous un dernier message à transmettre à la communauté de la Faculté? 

Tout simplement : merci. Ce fut un énorme privilège et un grand honneur d’être doyen de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de McGill. Tous les jours, j’ai pu réaliser des activités et des projets variés tout en collaborant avec tant de personnes fantastiques, à la Faculté et ailleurs. Merci du fond du cœur pour cette occasion en or.