Connue comme la créatrice de HIV Smart! une application primée d’autodépistage du VIH, la Dre Nitika Pant Pai, professeure agrégée au Département de médecine de l’Université McGill, est aussi une fervente ambassadrice de la science ouverte. L’automne dernier, celle qui est également chercheuse à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill a été nommée conservatrice en chef de six nouvelles « supercollections » sur le dépistage des maladies infectieuses au point de service accessibles sur la plateforme ScienceOpen.
La Dre Pant Pai nous a récemment accordé un entretien au sujet de sa collaboration avec ScienceOpen et des avantages de la plateforme pour les chercheurs et, ultimement, les patients.
Pouvez-vous nous expliquer le concept de ScienceOpen et sa pertinence pour la recherche et les soins cliniques?
ScienceOpen est une plateforme en libre accès qui vise le partage des connaissances à l’échelle mondiale et le maintien de collections d’excellente qualité. Son public cible comprend les chercheurs, les bailleurs de fonds, les décideurs et les institutions.
Première étape du processus, le partage des connaissances permet de sensibiliser les différents acteurs, ce qui entraîne graduellement l’intégration des données probantes à la pratique et aux politiques, pour finir par influencer la santé à l’échelle locale, nationale et internationale.
La rétention des connaissances fait l’inverse – la recherche ne favorise alors le changement que dans les pays développés, tandis que le monde en développement doit attendre au moins trois ou six mois pour que les articles de grande qualité passent dans le domaine public, au côté de travaux de piètre qualité. Ce délai coûte cher en vies humaines.
La technologie numérique nous permet de réduire l’écart et de donner accès aux connaissances. C’est là l’essence de la mission de libre accès de ScienceOpen — accélérer la diffusion, l’adoption et l’intégration des savoirs scientifiques dans les soins cliniques et les politiques publiques. Les soins de qualité inférieure se retrouvent surtout dans les pays en développement, mais le monde devient de plus en plus petit. Les plateformes de partage des connaissances comme celle-ci sont un excellent levier d’égalisation.
Le partage des connaissances peut également provoquer des innovations qui ont une phénoménale capacité de perturber de façon bénéfique la prestation des services de santé et d’engendrer des modèles plus efficients. Le partage des connaissances peut influencer le discours ambiant, ce qui constitue un premier pas vers le changement.
La science ouverte est donc un mouvement qui vise la diffusion rapide de travaux crédibles, au profit de la société en général. L’objectif est de faciliter le partage et la dissémination des savoirs, pour le bien de l’humanité. Tout mouvement qui a de telles visées a le pouvoir de toucher de nombreuses vies.
Dans les bases de données traditionnelles, il faut entrer une chaîne de recherche et connaître le processus de recherche, ce qui demande un peu plus de temps et de savoir-faire. Avec cette collection de science ouverte, les utilisateurs peuvent chercher rapidement des manuscrits par auteur, par revue ou par sujet. L’avantage par rapport aux bases de données et moteurs de recherche traditionnels, c’est que le contenu est organisé par des spécialistes du sujet. La plateforme est ouverte, donc tout le monde peut soumettre des travaux crédibles. Si les critères d’inclusion sont respectés, les travaux seront inclus dans la collection. C’est une sorte de guichet unique pour les utilisateurs.
La plateforme permet aussi aux utilisateurs du monde entier d’avoir accès à tous les actes de conférences, résumés et articles de revues scientifiques dans leur domaine. La plateforme est en pleine expansion, donc dans quelques années de nombreuses collections thématiques organisées par des experts seront disponibles.
Le regroupement de connaissances ciblées en un seul endroit est très pertinent pour la recherche et les soins cliniques, puisqu’il réduit le temps nécessaire pour faire une recherche sur un sujet particulier dans la littérature scientifique.
Dans le cas des supercollections de ScienceOpen, quelqu’un a déjà fait les recherches, le tri et l’organisation des articles par sujet et par domaine d’intérêt, donc tout ce qu’il reste à faire est d’enregistrer et de lire les articles. Je crois que cet outil permettra d’économiser beaucoup de temps et d’argent, tout en augmentant la productivité et l’applicabilité des recherches.
Qu’est-ce qu’une supercollection sur le dépistage au point de service (DPS)? Quel type de contenu pourra-t-on y trouver?
Aujourd’hui, une simple recherche Google donne accès au meilleur et au pire de la science, et tout ce qu’on trouve entre les deux. Cependant, il est parfois nécessaire de trouver des articles scientifiques impartiaux et de grande qualité sans passer par les algorithmes de recherche, et ce type de recherche est plus difficile et prend du temps. Il faut donc organiser les collections pour faciliter la tâche et l’accès aux utilisateurs de la recherche, et rendre les résultats plus utiles pour eux.
La supercollection sur le dépistage des maladies infectieuses au point de service (virus de l’immunodéficience humaine [VIH]/infections transmises sexuellement et par le sang [ITSS]/maladies tropicales négligées [MTN]) vise à combler ces lacunes en réunissant en un seul endroit les recherches pertinentes, filtrées par sujet et accessibles à tous, en tout temps. Le projet est né de discussions à l’occasion du cours Diagnostic en santé mondiale donné chaque année en juin à l’École d’été de McGill sur les maladies infectieuses et la santé mondiale. Lors de ces échanges, les différents intervenants ont fait part de leurs besoins et de l’utilité d’une telle plateforme pour eux.
ScienceOpen a eu la générosité de nous offrir l’espace pour concrétiser le projet – du bon karma pour tout le monde. ScienceOpen crée des supercollections sur divers sujets de recherche pertinents. Le défi en matière de VIH/ITSS/tuberculose n’est pas de rendre disponibles de nouveaux traitements ou de nouveaux appareils, mais bien d’offrir des solutions plus rapides aux gens qui en ont besoin et d’améliorer l’accès à ces solutions. L’utilisation du dépistage au point de service (DPS) prend de l’importance, à la fois sur le plan de la recherche et commercialement, et il y a une demande énorme pour du contenu organisé en un seul endroit à ce sujet.
À qui s’adressent ces collections? Comment les utilisera-t-on et comment se rendront-elles à ceux qui devraient les utiliser?
Nous offrons ces collections au monde et croyons qu’elles aideront à abolir les distances grâce à l’accès et à la diffusion de la littérature scientifique sur le DPS dans l’ensemble du milieu de la santé mondiale et du diagnostic. Les auteurs peuvent aussi commenter un article après l’avoir consulté, ce qui alimente la discussion et le débat, des facteurs importants pour l’avancée de la science. Cette plateforme contient des articles de grande qualité évalués par les pairs. Comme je l’ai mentionné, tous les acteurs intéressés – cliniciens, scientifiques, chercheurs, décideurs, bailleurs de fonds, entreprises, médias, gouvernements – peuvent visiter ScienceOpen pour explorer un sujet en particulier.
Des membres de mon laboratoire organisent le contenu des collections et nous avons une équipe en pleine expansion d’éditeurs et de collaborateurs crédibles, dont des auteurs prolifiques et des chercheurs réputés dans leur domaine. Tous les universitaires aimeront cette plateforme, car elle aide à diffuser leurs travaux plus vite et plus efficacement.
Les collections s’enrichissent de jour en jour et tous ceux qui peuvent nous aider à les développer sont les bienvenus! La plateforme est inclusive et ouverte sur le monde.
Quels avantages les scientifiques et les travailleurs en santé mondiale tireront-ils des collections en ligne sur le DPS?
En recherche, il nous arrive souvent de devoir donner une conférence sur un thème donné ou réunir des recherches avancées sur un sujet particulier, et le temps manque pour trouver des revues systématiques ou en réaliser une nous-mêmes pour se forger une opinion impartiale, ou encore chercher tous les articles publiés récemment qui n’ont pas encore été indexés.
La supercollection sur le DPS sert de guichet unique pour répondre à ces besoins en matière de recherche.
Pouvez-vous nous parler de votre première expérience avec les supercollections sur le DPS de ScienceOpen?
J’agis comme éditrice pour ScienceOpen depuis 2015. Depuis 2017, je suis l’éditrice de la collection sur le DPS du VIH et des ITSS. Nous avons lancé la collection à l’occasion de la Journée mondiale de la lutte contre le sida l’an dernier. Nous surveillons les données d’utilisation et demandons l’avis de nos auteurs et utilisateurs pour évaluer l’utilité de la collection.
Pour en savoir plus ou pour accéder aux supercollections sur le DPS, visitez le https://www.scienceopen.com/
Le 21 février 2019