Le quatrième Symposium scientifique annuel de l’Initiative interdisciplinaire en infection et immunité de l’Université McGill (MI4) comportera un entretien en direct avec la Dre Joanne Liu, le 18 novembre. Puisque que cette édition du Symposium met en valeur les approches multidisciplinaires dans la préparation aux pandémies, André Picard, du quotidien The Globe and Mail, interrogera la Dre Liu au sujet de ses expériences en la matière.

La Dre Liu, présidente internationale de Médecins sans frontières (MSF) de 2013 à 2019, est professeure à l’École de santé des populations et de santé mondiale et directrice du Laboratoire d’interventions promptes en réponse à une pandémie ou à une situation d’urgence à l’Université McGill.

À la tête de MSF, elle a été une voix influente en matière de crises humanitaires et médicales comme l’éclosion de maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest, les attaques sur les hôpitaux et la crise des migrants. Elle a également interagi avec des leaders mondiaux aux échelons les plus élevés.

Dans ses fonctions actuelles, la Dre Liu tire profit de son expérience sur le terrain avec MSF, avec qui elle a réalisé plus de 20 missions médicales et humanitaires. Elle est d’ailleurs diplômée en médecine de l’Université McGill (Montréal). La Dre Liu a aussi effectué un fellowship en médecine d’urgence pédiatrique à la School of Medicine de la New York University en plus d’obtenir une maîtrise internationale pour le leadership en santé de l’Université McGill.

Nous avons discuté des leçons à retenir de la pandémie de COVID-19 avec la Dre Liu, en prévision de sa participation au symposium scientifique de MI4.

Qu’est-ce que la préparation en cas de pandémie?

On peut séparer la préparation en cas de pandémie en deux stades : les préparatifs, puis l’état de préparation (readiness).

Les algorithmes, les inventaires, les simulations sont des éléments des préparatifs; mais ce qui compte vraiment, c’est l’état de préparation.

Cela signifie avoir les ressources nécessaires afin de déployer les outils à notre disposition. C’est comme avec les services d’incendies ; nous avons des pompiers qui attendent à la caserne, mais quand il y a une alarme à feu de déclenchée, ceux-ci sont prêts à répondre à l’appel et à se rendre sur les lieux d’un incendie immédiatement. Être préparé pour une pandémie ne signifie pas être prêt pour une pandémie. On peut avoir tous les outils à notre disposition afin de combattre une pandémie, sur les étagères d’un entrepôt, mais est-ce qu’on peut en effectuer la livraison ? L’état de préparation, ou la phase de readiness, signifie la capacité à opérer immédiatement et à répondre à l’appel lors d’épidémies.

C’est comme construire une maison. C’est une chose d’avoir les plans, mais il faut aussi avoir tous les matériaux, dans le bon ordre et au bon moment.

Nous avons pu le constater durant la pandémie de COVID-19 : la réponse initiale des pays d’Asie du Sud-Est était beaucoup plus efficace. Ces pays ont dû combattre le SRAS en 2003 et ont depuis organisé des simulations annuelles de préparation en cas de pandémie.

Quel rôle jouent les médecins et les scientifiques de la santé dans la préparation en cas de pandémie?

L’essentiel est d’avoir des traitements ou des vaccins candidats prêts à l’emploi et dirigés contre certains virus à potentiel pandémique. C’est ce que nous faisons à la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies. Munis de ces outils de base, il ne nous restera plus qu’à franchir les dernières étapes du développement pour avoir une réponse adaptée aux virus émergents.

Quels aspects de notre riposte à la pandémie de COVID-19 avons-nous réussis? Comment pouvons-nous nous en inspirer pour répondre aux prochaines pandémies?

Notre plus grande réussite a été le séquençage rapide de l’ADN du virus. Étant donné que le gouvernement chinois a diffusé cette information au monde entier, tout le monde a pu contribuer à la lutte contre la COVID-19 en même temps.

Le libre échange des connaissances sur les maladies infectieuses émergentes est essentiel; il faut le maintenir et en élargir la portée en contexte de pandémie. Il faut aussi examiner les phases de transition, c’est-à-dire entre l’éclosion et l’épidémie et entre l’épidémie et la pandémie. Il y aura d’autres éclosions et nous devons nous y préparer, car il faudra être en mesure d’éviter qu’elles ne se transforment en pandémie. C’est possible, si nous nous préparons en amont.

Quelles sont les leçons à retenir de la pandémie de COVID-19? Comment pouvons-nous nous en servir en préparation des prochaines pandémies?

Nous pouvons compter sur la science : elle nous a même fourni un vaccin contre la COVID-19 en 10 mois, alors que nous nous attendions à des délais de 18 à 24 mois. En revanche, si la science nous a donné des réponses, nous n’en avons pas fait profiter tout le monde. Encore aujourd’hui, le quart de la population mondiale n’a pas encore reçu une seule dose de vaccin contre la COVID-19.

La science a un rôle déterminant à jouer, mais les êtres humains aussi : nous devons croire en ses résultats, les analyser et les utiliser. Il faut aussi mettre à jour les protocoles sur le partage d’échantillons et conclure des traités sur les pandémies qui permettront à des équipes indépendantes d’étudier les sources des nouvelles maladies infectieuses.

Nous avons beaucoup appris! Et il nous en reste encore beaucoup à apprendre. La pandémie de COVID-19 fut un événement historique. Comme pour d’autres événements l’ayant précédée, nous devons adopter des mesures qui nous aideront à ne pas répéter nos erreurs. Nous n’étions pas prêts, mais il faudra l’être la prochaine fois.

Pour vous inscrire au quatrième Symposium scientifique annuel de MI4 : https://www.mcgill.ca/mi4/events/4th-annual-mi4-scientific-symposium