Lancement du Programme autochtone des professions de la santé le 1er mars
Un parfum de sauge flottait dans l’air et les chants ont retenti au rythme des tambours au Cercle universitaire de McGill le 1er mars dernier, de 16 h à 19 h, à l’occasion du lancement officiel du Programme autochtone des professions de la santé.
« Nous vous souhaitons la bienvenue à cette cérémonie, chers aînés, chefs, agents de changement, militants, étudiants, enseignants, professionnels de la santé et alliés », a déclaré Jessica Barudin, gestionnaire du Programme autochtone des professions de la santé et Kwakwaka’wakw de la Namgis First Nation, en Colombie-Britannique, dans son mot d’accueil à l’assistance. « Nous sommes reconnaissants de pouvoir nous réunir dans cette banlieue de Kahnawake – nous sommes en territoire Mohawk. Et comme mon aînée me le répète souvent, on sait qu’une cérémonie s’annonce bien lorsqu’il y a des aînés et des bébés dans l’assistance. C’est bien le cas aujourd’hui », a-t-elle signalé en souriant, en parlant de sa propre fille de 10 mois, dans les bras de son père.
La Dre Ojistoh Horn, médecin mohawk et diplômée mcgilloise, a réalisé un rituel traditionnel et une prière d’ouverture en mohawk qui s’inscrivent dans un protocole et une cérémonie vécus pour la première fois au Cercle universitaire de McGill.
La Dre Horn a été suivie de l’aînée et sage-femme mohawk Katsi Cook, qui a présenté des chants traditionnels et prononcé un discours puissant. « Le Canada est un chef de file mondial dans la reconnaissance de la pratique sage-femme autochtone. Nous allons vers le rétablissement du sens et de la pratique des modes d’apprentissage autochtones. J’ai l’espoir radical qu’avec ce nouveau programme, nous allons lancer davantage d’amour, de compassion et de bonté dans le monde. »
Nina et Sierra Segalowitz, un duo mère-fille, ont charmé l’assistance avec leurs chants de gorge inuits et leur rire contagieux. Leur performance était suivie d’une allocution de la principale Suzanne Fortier, qui a reconnu le rôle traditionnel d’intendance du territoire des nations Haudenausaunee et Anishinabeg. Elle a poursuivi : « En 2016, le vice-principal exécutif Christopher Manfredi a lancé son Groupe de travail sur les études et l’éducation autochtones. En 2017, le groupe de travail a lancé 52 appels à l’action pour amorcer un virage vers l’inclusion des modes d’apprentissage autochtones. Nous allons répondre à l’appel avec enthousiasme et humilité. »
Le Dr Kent Saylor, directeur du Programme autochtone des professions de la santé, a relaté certains des obstacles auxquels il a fait face en postulant aux études en médecine. « En 1989, j’ai fait des demandes d’admission dans des facultés de médecine. De l’une, j’ai reçu une lettre de refus froide et laconique qui commençait par « Cher candidat ». L’autre [Stanford] m’a plutôt répondu « Cher monsieur Saylor, que pouvons-nous faire pour vous inciter à venir étudier ici »? »
« Devinez où j’ai finalement étudié? Stanford. La lettre de refus froide et laconique venait de McGill. Notre travail, désormais, consiste à voir au-delà du relevé de notes et à accueillir les personnes porteuses d’un savoir autochtone. C’est un privilège de former et d’accueillir des étudiants autochtones et de faire connaître notre savoir-faire dans la communauté. »
Le Dr Saylor est un pédiatre mohawk originaire de Kahnawake. Mentor de plusieurs étudiants autochtones en médecine à McGill, il entre aussi en contact avec des étudiants potentiels dans le cadre de son travail dans les communautés autochtones dans le but de les convaincre d’étudier en médecine et dans les autres professions de la santé.
Comme directeur du Programme autochtone des professions de la santé, le Dr Saylor collabore avec des conseillers autochtones et avec la Faculté des sciences de l’éducation de McGill pour mettre sur pied des initiatives visant à encourager les étudiants autochtones à envisager une carrière en santé. L’une des initiatives les plus fructueuses du programme est le Camp Eagle Spirit, qui propose chaque année à de jeunes Autochtones des activités sur le campus mcgillois pour mieux connaître l’Université et la ville de Montréal, ainsi qu’un programme d’été pour les aider à consolider leurs acquis en mathématiques et en sciences.
Le Dr Saylor indique que c’est le Dr Dick Menzies qui a amorcé le processus de consultation à l’origine du Programme. « Le lancement de ce programme est un point tournant à McGill », affirme le Dr Menzies, pneumologue spécialiste du traitement et de l’étude de la tuberculose et directeur adjoint du Programme. « Au Québec, les Autochtones représentent de 2 à 3 % de la population. Pourtant, seulement 12 des 18 000 médecins de la province sont Autochtones. De toute évidence, nous devons travailler très fort pour nous rattraper et combler les besoins. »
À l’heure actuelle, McGill compte sept étudiants autochtones en médecine, deux en ergothérapie et dix en service social. Les populations autochtones sont fortement sous-représentées dans toutes les professions de la santé. Au Nunavik, il n’y a aucun médecin inuit, seulement deux infirmières inuites et presque aucun autre professionnel de la santé – pharmaciens, dentistes, physiothérapeutes ou orthophonistes.
Le discours principal a été prononcé par le Dr Evan Adams, médecin chef (en congé sabbatique) à la First Nations Health Authority, en Colombie-Britannique. Le Dr Adams, fils de survivants des pensionnats autochtones, a fait un récit émouvant de son parcours vers la médecine, en passant par le métier d’acteur. « J’ai vécu beaucoup de racisme et de colonialisme durant mes études. Une fois, durant ma résidence, je me trouvais dans le salon des médecins lorsqu’un garde de sécurité m’a approché pour me dire qu’un des médecins s’inquiétait de la présence d’un Indien dans la salle. Je ne me suis pas mis en colère. J’ai simplement répondu « Oui, et il faudra bien vous y habituer” ».
Après les remerciements qu’a adressés le vice-principal (santé et affaires médicales) et doyen de la Faculté de médecine, David Eidelman, aux communautés autochtones qui ont participé à donner son orientation au Programme, la cérémonie s’est conclue par un hommage à l’aîné Charlie Patton et à son épouse Eileen Sawyer Patton pour leur dévouement et leur appui à l’égard des étudiants, des initiatives jeunesse et du Programme autochtone des professions de la santé. Charlie Patton a fait part du nom mohawk du programme, déterminé avec l’aide d’autres locuteurs traditionnels : Eniethi’nikonhraiéntho’ (Nous ensemencerons leur esprit).
Les plats autochtones étaient à l’honneur lors de la réception qui a suivi le lancement, avec entre autres de l’orignal, de l’omble de l’Arctique, du saumon, du chevreuil, des Indian tacos et du jus de fraise.
Academia | McGill celebrates official launch of Indigenous Health Professions Program: Eniethi’nikonhraiéntho’