« Si les soins de santé étaient un pays, ils arriveraient au cinquième rang des plus grands pollueurs au monde », explique Lara Richer, MDCM, professeure adjointe au Département de pathologie de l’Université McGill et médecin superviseure au Centre universitaire de santé McGill (CUSM). « Notre travail contribue aux changements climatiques, et les changements climatiques nuisent à la santé humaine, donc d’une certaine façon, le secteur qui est chargé de soigner les gens contribue aussi à les rendre malades. »
Le système de santé a une vaste empreinte écologique, allant de l’énergie consommée dans les hôpitaux et cliniques aux emballages plastiques des fournitures médicales, conçus pour assurer la stérilité du matériel et prévenir les infections. « À la fin de ma résidence, j’étais devenue très mal à l’aise face à la quantité de déchets qui étaient générés, je voulais passer à l’action », explique la Dre Richer.
Elle a décidé de commencer par ce qu’elle avait sous – ou sur – la main : les gants jetables. À l’époque, tous les gants étaient jetés après usage, soit dans les contenants pour objets contaminés, soit à la poubelle s’ils n’étaient pas souillés. L’entreprise Terracycle pouvait recycler les gants non souillés (qui sont réduits en poudre et utilisés dans des produits comme le carrelage ou les revêtements d’aires de jeux), mais l’équipe devait d’abord établir le programme de recyclage et déterminer où faire la collecte.
De toute évidence, beaucoup de gants étaient utilisés au laboratoire, mais le nombre exact était inconnu jusqu’à ce qu’un résident mcgillois en pathologie au CUSM, Jonathan Lai, M.D., se penche sur la question. La réponse l’a renversé. À partir des registres d’achat, le Dr Lai a déterminé que son laboratoire d’anatomopathologie avait utilisé 1 371 boîtes de gants au cours de l’année précédente. « C’est presque 350 000 gants, l’équivalent du poids d’une Toyota Corolla, illustre-t-il. J’ai été abasourdi par le nombre de gants utilisé dans une seule section du laboratoire de pathologie. » Extrapolés au reste de l’hôpital et au réseau de santé, les chiffres deviennent étourdissants.
Selon les données recueillies, le Dr Lai a conclu que jusqu’à 30 % des gants jetés n’étaient pas souillés, soit près de 400 kilos, ou l’équivalent d’un piano à queue. « Notre objectif était de recycler environ la moitié des gants non souillés. »
L’équipe s’est associée à la Green Labs Initiative de McGill pour soumettre une demande au Fonds des projets durables de l’Université afin de couvrir une partie des dépenses du programme, dont le coût des boîtes de collecte. Depuis 2010, le Fonds a octroyé quelque 10 millions de dollars pour lancer plus de 300 projets visant à établir une culture du développement durable sur les campus mcgillois.
« Nous avons pu acheter 24 boîtes de collecte de gants et les répartir dans le laboratoire, accompagnées d’écriteaux qui expliquent le type de gants qu’on peut y déposer », relate le Dr Lai, qui a ensuite pesé les boîtes chaque mois pour déterminer quand et où les boîtes étaient utilisées. Ce suivi méthodique lui a permis de rendre la collecte plus efficace et de résoudre les problèmes dès qu’ils survenaient.
« Quand on recueillait moins de gants, je pouvais intervenir, soit en discutant avec le personnel ou en déplaçant les boîtes de collecte. » L’emplacement des boîtes s’est vite imposé comme un facteur essentiel. « Si c’est compliqué, les gens ne le font pas. Nous devions rendre le dépôt des gants très facile. »
Au cours de l’année, l’équipe a réalisé la moitié de l’objectif qu’elle s’était fixé. « C’est un bon début, mais ça ne représente que 7,3 % de tous les gants utilisés, donc il y a place à l’amélioration », constate le Dr Lai. « Ce qui est particulièrement encourageant dans ce projet, c’est l’attention et la collaboration qu’il a suscitées », conclut la Dre Richer. Tandis que le projet de recyclage de gants se poursuit au laboratoire de pathologie, des discussions sont en cours pour élargir le programme à d’autres articles jetables, comme les masques, qui génèrent de grandes quantités de déchets.