Des chercheurs découvrent d’autres cibles pour des médicaments servant à traiter un mélanome précis
Des médicaments anticancéreux à cible définie, les inhibiteurs de BRAF et de MEK, se sont révélés bénéfiques pour des patients souffrant d’un mélanome métastatique dont les tumeurs comportent une mutation précise du gène BRAF, dite V600E. Selon une étude réalisée récemment au laboratoire du Pr Peter Siegel, au Centre de recherche sur le cancer Goodman de l’Université McGill, ces mêmes médicaments pourraient être salutaires à un nombre plus étendu de patients atteints de cancer.
Les résultats de l’étude, publiés dans la revue Clinical Cancer Research, montrent que ces médicaments peuvent aussi être efficaces pour des patients ayant d’autres mutations du gène BRAF, dites mutations de BRAF de classe 2. En ce moment, les patients atteints d’un mélanome ou d’un cancer du poumon chez qui l’on diagnostique des tumeurs avec mutations de BRAF de classe 2 n’ont aucune option thérapeutique ciblée. Ces patients sont traités uniquement par chimiothérapie ou médicaments d’immunothérapie par inhibiteurs du point de contrôle, qui bloquent les protéines empêchant le système immunitaire d’attaquer des cellules cancéreuses.
« L’immunothérapie par inhibiteurs du point de contrôle a amélioré considérablement les perspectives pour les patients atteints d’un mélanome métastatique ou du cancer du poumon, mais seulement pour la moitié de tous les patients traités avec ces médicaments », explique Matthew Dankner, étudiant en médecine et au doctorat au laboratoire du Pr Siegel et premier auteur de l’étude. « Nos résultats montrent une solution de deuxième intention : une thérapie médicamenteuse ciblée, sous forme de pilule, qui semble bien tolérée par les patients et qui a le potentiel d’améliorer leur survie et leur qualité de vie. »
L’intérêt des chercheurs pour les inhibiteurs de BRAF et de MEK approuvés cliniquement afin de traiter des mélanomes avec mutations de BRAF de classe 2 est une idée de la Dre April Rose, auteure principale de l’étude. La diplômée de la Faculté de médecine de l’Université McGill, qui a effectué son doctorat au laboratoire du Pr Siegel, a reçu en consultation un patient avec le Dr Catalin Mihalcioiu à la clinique d’oncologie du CUSM. Le mélanome métastatique de cette personne avait migré vers le cerveau. L’analyse génomique de sa tumeur a révélé une mutation de BRAF de classe 2 et Dankner a pu obtenir un échantillon du tissu.
Les chercheurs ont ensuite utilisé le tissu du mélanome pour créer un modèle murin unique de cancer humain. Les tumeurs murines dérivées de patients, comportant des mutations de BRAF de classe 2, ont été traitées avec les inhibiteurs de BRAF et de MEK et les tumeurs ont régressé. Les chercheurs ont ensuite testé les médicaments sur des cellules de mélanome dérivées de plusieurs autres patients présentant des mutations de BRAF de classe 2, et ils ont observé les mêmes résultats. « Tout s’est produit très vite; en quelques mois de travail sur cette question, nous savions que nous tenions quelque chose d’intéressant sur le plan scientifique, qui pourrait avoir une portée très utile pour les patients », relate la Dre Rose.
Lorsqu’un nouveau patient s’est présenté à la clinique d’oncologie du CUSM avec un mélanome métastatique et la même mutation de BRAF de classe 2, il a reçu les traitements ciblés qui avaient été testés en laboratoire; une régression tumorale partielle a été observée. « Les résultats des travaux de Matthew et d’April sont une importante étude de démonstration de principe indiquant qu’une combinaison de traitements existants pourrait constituer une option efficace pour un nouveau groupe de patients », souligne le Pr Siegel, professeur agrégé aux Départements de médecine, de biochimie et d’anatomie & biologie cellulaire à la Faculté de médecine de McGill et membre à temps plein du Centre de recherche sur le cancer Rosalind et Morris Goodman. Les travaux ont été menés en collaboration par des chercheurs de l’Université McGill (les docteurs Siegel, Watson, Mihalcioiu, Petrecca, Guiot et Park), de l’Université de Toronto (les docteurs Rose et Hogg) et de l’industrie (KEW Inc.).
La prochaine étape consistera à mener un essai clinique, actuellement en phase de développement au Princess Margaret Cancer Centre à Toronto, où la Dre Rose effectue sa résidence en oncologie médicale. L’essai englobera des patients atteints de différents types de cancer et porteurs de mutations de BRAF de classe 2, dont le mélanome et le cancer du poumon.
Le 5 octobre 2018