La quantité maximale d’opioïdes est réduite pour un grand nombre de patients opérés

Source : HGJ
À la lumière du grave problème de dépendance aux opioïdes qui sévit actuellement dans notre société, l’HGJ vient d’approuver de nouvelles lignes directrices visant à réduire la quantité maximale de médicaments opioïdes à prescrire à certains patients opérés au moment de leur congé de l’hôpital.

Ces nouvelles mesures ont été élaborées par une équipe multidisciplinaire dont les membres, à l’instar de plus en plus de spécialistes de la santé à l’échelle mondiale, reconnaissent que les professionnels de la santé peuvent jouer un rôle important pour restreindre le mésusage et l’abus des opioïdes, situation qui atteint des proportions épidémiques.

Avec ces mesures, l’HGJ rejoint un nombre croissant d’établissements de soins de santé en Amérique du Nord à vouloir s’attaquer au problème en adoptant des pratiques normalisées pour limiter la quantité d’opioïdes que certains patients opérés reçoivent.

Les lignes directrices visent surtout les patients qui ont subi une opération, car après les spécialistes de la douleur, ce sont les chirurgiens qui prescrivent le plus d’opioïdes médicamenteux.

Reconnus pour leur efficacité à soulager la douleur, surtout après une opération, les opioïdes peuvent toutefois mener les patients à devenir des utilisateurs chroniques si une quantité inutilement élevée de ces médicaments leur est prescrite pour la maison.

De plus, il arrive que les patients rétablis ne finissent pas leurs médicaments opioïdes et qu’un autre membre de la famille — un jeune peut-être — les consomme, les donne à un ami ou les vende.

Or, lorsque les opioïdes sont accompagnés d’une prescription médicale, les lignes directrices établissent des quantités maximales à respecter après certaines interventions chirurgicales comme l’ablation de l’appendice, l’ablation d’un rein par laparoscopie, l’ablation du pancréas, le remplacement total de la hanche et le remplacement total du genou.

Données sur les opioïdes

Le nombre de décès découlant d’une surdose d’opioïdes de prescription dépasse désormais le nombre de décès combinés associés à une surdose d’héroïne et de cocaïne. Voici quelques chiffres troublants :

  • Proportion de décès reliés à une surdose d’opioïdes de prescription : près de 50 pour cent
  • Proportion de patients hospitalisés qui deviennent des utilisateurs d’opioïdes chroniques : jusqu’à 6 pour cent (les taux varient selon le type d’opération et de population)
  • Proportion de consommateurs accoutumés à l’héroïne en raison d’une utilisation abusive de médicaments d’ordonnance : 75 pour cent
  • Rang du Canada dans le monde pour la consommation d’opioïdes par habitant : 2 (après les États-Unis)

« Nous prenons nos responsabilités », dit Gina Ciccotosto, infirmière à l’HGJ, qui a joué un rôle essentiel dans l’organisation des efforts d’élaboration des lignes directrices. « Notre but n’est pas d’éliminer les opioïdes, mais d’éviter de prescrire aux patients une quantité excessive de ces médicaments. »

Encourager les médicaments non opiacés

« Les recherches et nos propres observations démontrent que les patients sont le plus souvent satisfaits avec bien moins que ce qui leur est généralement prescrit. Notre but est de contrôler la douleur de manière sécuritaire en encourageant en premier lieu l’usage d’antalgiques non opiacés et ensuite, au besoin, de prescrire aux patients un nombre raisonnable de comprimés d’opioïdes. »

Mme Ciccotosto explique que les lignes directrices touchent les personnes qui ne souffrent pas d’une douleur chronique et qui ne prennent pas déjà des opioïdes, ce qui représente de 75 à 80 pour cent de la population des patients. Les individus considérés à risque ou comme de grands consommateurs doivent être gérés au cas par cas, leurs besoins en matière de contrôle de la douleur étant différents de ceux des patients opérés et qui n’ont jamais pris d’opioïdes.

L’une des priorités du comité était d’éliminer les différences entre les chirurgiens qui effectuent les mêmes types d’interventions, mais que ne prescrivent pas la même quantité d’opioïdes aux patients lorsque ces derniers quittent l’hôpital.

« Éviter carrément les opioïdes est une possibilité, si les patients peuvent gérer leur douleur avec d’autres antalgiques. »

Selon Mme Ciccotosto, ces différences n’étaient pas attribuables à un désaccord entre les chirurgiens concernant la dose adéquate à prescrire, mais plutôt au manque de directives factuelles, comme celles maintenant en place. En l’absence de recommandations, les chirurgiens se fiaient tout simplement à leur jugement.

Beaucoup de chirurgiens ont aussi avoué prescrire plus de médicaments que nécessaire pour éviter que le patient n’ait à demander un renouvellement. Toutefois, dit Mme Ciccotosto, cette approche peut causer plus de mal que de bien, car dans ce cas-ci, plus n’est pas mieux.

Prescrire un opioïde pour contrôler la douleur d’un patient en convalescence était pratique courante pour les médecins par le passé, de dire la pharmacienne Dana Wazzan, qui a contribué à élaborer les lignes directrices.

Or, aujourd’hui, éviter carrément les opioïdes est une possibilité, poursuit-elle. Si les patients peuvent gérer leur douleur avec d’autres antalgiques comme l’acétaminophène ou l’ibuprofène, ils peuvent refuser les opioïdes à l’hôpital et ne pas en prendre à la maison non plus.

Mme Wazzan observe que les patients recevant leur congé de l’HGJ après un séjour de plus de 24 heures partaient souvent avec une ordonnance d’opioïdes, même s’ils n’avaient pris que peu ou pas du tout de ces médicaments pendant leur hospitalisation.

Accent sur l’éducation des résidents

Les nouvelles lignes directrices incitent les chirurgiens et les résidents à vérifier le nombre de doses d’opioïdes données au patient 24 heures avant son congé et de prescrire en conséquence. Le dossier d’administration électronique des médicaments peut être consulté à cette fin.

Selon Mme Ciccotosto, les nouvelles lignes directrices seront expliquées en priorité aux résidents, car ce sont les médecins les plus susceptibles de prescrire des opioïdes après une opération.

« De nombreux résidents reconnaissent être mal à l’aise lorsqu’il s’agit de déterminer les doses appropriées d’opioïdes à prescrire après une intervention chirurgicale, poursuit l’infirmière. Ils apprennent souvent sur le tas, en se fondant sur la pratique en cours plutôt que sur une approche factuelle. »

Largement prescrits dans les années 1990 et 2000 par des médecins convaincus, à tort, qu’ils n’entraînaient pas ou peu d’accoutumance, les opioïdes représentent aujourd’hui un problème sanitaire considérable, souligne Mme Ciccotosto.

« Nous devons en effet arrêter de trop nous focaliser sur la douleur et, plutôt, déterminer dans quelle mesure les patients sont aptes à fonctionner. »

C’est après avoir assisté en 2018, à Orlando, à une conférence sur la qualité du travail chirurgical de plusieurs hôpitaux du Michigan que Mme Ciccotosto a décidé d’agir comme un catalyseur de changement à l’HGJ.

Après avoir obtenu l’appui des responsables des programmes de gestion de la qualité et de chirurgie de l’Hôpital, elle a formé au début de 2019 un comité composé de représentants de divers services, dont Soins infirmiers, Pharmacie, Chirurgie, Anesthésie et Physiothérapie.

Malgré le rôle déterminant qu’elle a joué, Mme Ciccotosto déclare que les lignes directrices n’auraient jamais été approuvées sans les efforts concertés déployés par les membres de l’équipe multidisciplinaire.

« Ces lignes directrices sont les premières d’une série de mesures visant à changer notre culture de gestion de la douleur, explique-t-elle. Nous devons en effet arrêter de trop nous focaliser sur la douleur, surtout la douleur évaluée sur une échelle de 1 à 10, et, plutôt, déterminer dans quelle mesure les patients sont aptes à fonctionner. Par exemple, peuvent-ils sortir du lit? Mangent-ils? Participent-ils à la physiothérapie? »

« Il est indéniable qu’on souffre après une opération et que des médicaments pour contrôler la douleur seront prescrits au besoin. Cependant, nous n’allons pas en donner plus qu’il n’en faut. Notre priorité reste de gérer la douleur — mais en toute sécurité. »

Le 28 novembre 2019