Paudel

La maladie d’Alzheimer (MA) est une affection dévastatrice qui entraîne une détérioration cognitive, la perte des fonctions exécutives et la démence. On estime qu’environ 36 millions de personnes dans le monde souffrent de démence. Au Canada seulement, 564 000 personnes sont touchées et 25 000 en décèdent chaque année, pour un fardeau financier annuel s’élevant à 10,4 milliards $. De plus, ces chiffres sont appelés à doubler d’ici 15 ans. Malgré d’importants efforts de mise au point de médicaments et de compréhension de la pathologie, aucun traitement modifiant le cours de la maladie n’est encore disponible, et le traitement de la MA demeure symptomatique.

Le professeur agrégé Hemant Paudel, du Département de neurologie de la Faculté de médecine de l’Université McGill, étudie la maladie d’Alzheimer dans son laboratoire depuis des décennies. Le Pr Paudel, également chercheur principal au Centre Bloomfield de recherche sur le vieillissement de l’Institut Lady Davis de l’Hôpital général juif, a dirigé une nouvelle étude publiée dans le Journal of Biological Chemistry dans laquelle son équipe et lui élucident un indice important qui pourrait permettre d’agir sur la cause de l’activation de la bêta sécrétase, une enzyme suractivée dans le cerveau des personnes atteintes de la MA.

Comprendre le profil du cerveau atteint de la maladie d’Alzheimer 

« Les enchevêtrements et les plaques sont les deux types de lésions neuropathologiques caractéristiques observés dans le cerveau des patients souffrant de MA », explique le PPaudel. Les premiers sont constitués de filaments emmêlés à l’intérieur des neurones et résultent d’une hyperphosphorylation de la protéine tau – laquelle contient donc plus de phosphates que dans un cerveau sain. La protéine tau hyperphosphorylée ne peut pas servir de soutien mécanique aux neurones.

Les plaques, quant à elles, se trouvent entre les neurones. On croit qu’elles nuisent à la communication entre ces cellules nerveuses, qu’elles déclenchent l’inflammation et qu’elles favorisent la mort neuronale. Constituées d’un petit peptide appelé bêta amyloïde, les plaques se forment par l’action successive de deux enzymes appelées bêta sécrétase-1 et gamma sécrétase. « Plusieurs études ont déterminé que la bêta sécrétase est suractivée dans le cerveau atteint de MA, ce qui entraîne une surproduction de peptide bêta amyloïde et la formation de plaques », indique le Pr Paudel. « Toutefois, la cause de l’activation de la bêta sécrétase chez les patients atteints de MA demeurait jusqu’ici un mystère. » 

Modèles animaux

En 2011, le PPaudel et son équipe ont découvert qu’une protéine appelée Egr-1 se retrouvait en beaucoup plus grande quantité dans les cerveaux autopsiés de patients atteints de la MA. Fait notable, ils ont également observé que dans le cerveau de la souris, Egr-1 favorisait une hyperphosphorylation de la protéine tau semblable au processus de la MA. « Dans cette nouvelle étude, nous avons découvert que les souris qui n’expriment pas Egr-1 ont des taux significativement réduits de bêta sécrétase-1 », signale le Pr Paudel. « En employant diverses techniques de biologie moléculaire, nous avons déterminé que dans les neurones, Egr-1 active la bêta sécrétase-1 et, ce faisant, cause l’accumulation de bêta amyloïde. Nos données indiquent donc que Egr-1 est le mystérieux activateur de la bêta sécrétase-1 durant l’évolution de la MA. »

Les chercheurs ont également examiné des souris qui n’expriment pas Egr-1 et ont découvert qu’elles présentent des taux significativement plus bas de bêta amyloïde et de protéine tau phosphorylée. On peut répartir les cas de MA en deux catégories : les formes héréditaires et sporadiques. La MA héréditaire, qui représente moins de 1 % de tous les cas, se déclare entre 55 et 65 ans en raison d’une prédisposition génétique.

Dans la plupart des cas, la MA est de forme sporadique et apparaît le plus souvent après 65 ans. La cause de la MA sporadique est inconnue, mais tous les patients atteints de MA présentent un excès de protéine tau hyperphosphorylée et de bêta amyloïde. « Nos données indiquent qu’en inhibant uniquement Egr-1, il serait possible de réduire la concentration de bêta amyloïde et de protéine tau phosphorylée dans le cerveau de tous les patients atteints de la MA », conclut le PPaudel. « Egr-1 offre donc une nouvelle cible thérapeutique potentielle pour le traitement de la maladie d’Alzheimer. »

Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada et la Société Alzheimer du Canada.

« Early Growth Response 1 (Egr-1) Is a Transcriptional Activator of β-Secretase 1 (BACE-1) in the Brain. » Paudel, HK, et al. The Journal of Biological Chemistry, 14 octobre 2016 doi: 291(42):22276-22287

 

Le 28 octobre 2016