Les scientifiques découvrent les causes génétiques et immunologiques de 15 % des cas graves de COVID-19
Source: CUSM
Deux études publiées aujourd’hui dans la revue Science par un consortium international de chercheurs apportent une première réponse à une question cruciale : pourquoi la vulnérabilité individuelle à la COVID-19 varie-t-elle autant dans la population? Les résultats montrent qu’environ 15 % des patients dont la vie est menacée par la COVID-19 ont un point commun : un défaut dans l’activité des interférons de type I (IFN), des molécules du système immunitaire qui ont normalement une puissante activité antivirale. Ce défaut est causé soit par la présence d’auto-anticorps dirigés contre ces molécules, soit par des anomalies génétiques qui diminuent leur production. Ces découvertes pourraient permettre de détecter les personnes à risque de développer une forme grave de la maladie dans tous les groupes d’âge et de mieux traiter les patients concernés par ces affections.
« Depuis le début de la pandémie, nous avons vu que certains facteurs étaient associés à un risque accru de développer une forme grave de COVID-19 : être de sexe masculin, être âgé ou avoir d’autres problèmes médicaux. Cependant, la raison biologique pour laquelle certains de ces groupes étaient gravement malades n’était pas claire. De plus, certains patients ne présentant pas ces facteurs de risque – notamment les jeunes – contractaient une COVID-19 potentiellement mortelle. Là encore, la raison était loin d’être comprise », explique le Dr Donald Vinh, clinicien-chercheur au sein du Programme en maladies infectieuses et immunité en santé mondiale de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), qui a participé aux deux études. « Nous comprenons maintenant que la perturbation d’un agent immunitaire très important, l’interféron de type I, est la cause de certains des pires cas de COVID-19 ».
Ces résultats sont les premiers à être publiés dans le cadre du projet COVID Human Genetic Effort, un projet international en cours qui réunit plus de 50 centres de séquençage et des centaines d’hôpitaux dans le monde entier, dont le Centre universitaire de santé McGill. Cette initiative est codirigée par Jean-Laurent Casanova, directeur du St. Giles Laboratory of Human Genetics of Infectious Diseases à l’Université Rockefeller, et Helen Su, du National Institute of Allergy and Infectious Diseases, aux États-Unis.
L’interféron de type I est un ensemble de 17 protéines qui jouent un rôle crucial dans la protection de l’organisme contre les virus. Si ces protéines sont neutralisées par des auto-anticorps ou si elles ne sont pas produites en quantité suffisante en raison d’un gène défectueux, le résultat est le même pour un sous-groupe de patients atteints de COVID-19 : ils luttent pour combattre la maladie.
Dans l’étude Autoantibodies against type I IFNs in patients with life-threatening COVID-19, les scientifiques ont recherché des auto-anticorps contre les interférons de type I chez 987 patients hospitalisés pour une pneumonie COVID-19 potentiellement mortelle, 663 personnes asymptomatiques ou légèrement atteintes par le SRAS CoV-2 et 1 227 témoins sains chez qui des échantillons ont été prélevés avant la pandémie de COVID-19.
Ils ont découvert que plus de 10 % des personnes qui développent une COVID-19 grave ont des anticorps mal orientés qui attaquent non pas le virus, mais le système immunitaire lui-même, en bloquant l’action des interférons de type I. Ces auto-anticorps semblent absents chez les personnes qui ont développé une forme légère de la maladie, et ils sont rares dans la population générale.
« Un élément frappant de cette étude est que ces anticorps étaient beaucoup plus présents chez les hommes développant une COVID-19 sévère, ce qui suggère que leur production pourrait être liée au chromosome X », explique le Dr Vinh, qui est également le directeur de la Biobanque COVID-19 du CUSM, une partie intégrante de la Biobanque québécoise de la COVID-19, qui collecte des échantillons biologiques et des données médicales auprès des personnes ayant reçu un diagnostic de COVID-19, à des fins de recherche.
L’étude suggère que les patients présentant ce profil pourraient bénéficier de la plasmaphérèse (élimination de la partie liquide du sang contenant les globules blancs et les anticorps) ou d’autres traitements susceptibles de réduire la production de ces anticorps par les lymphocytes B. Le dépistage de ces anticorps dans la population générale pourrait également aider à protéger les personnes vulnérables et à prédire, au début de l’infection, qui pourrait développer une COVID-19 grave, ce qui permettrait à ces personnes de recevoir un traitement antiviral précoce.
Dans l’étude intitulée Inborn errors of type I IFN immunity in patients with life-threatening COVID-19, les chercheurs ont analysé génétiquement des échantillons de sang de 659 patients qui avaient été hospitalisés pour une pneumonie liée à la COVID-19 mettant leur vie en danger (dont 14 % étaient décédés) et de 534 sujets qui avaient été atteints d’une infection asymptomatique ou bénigne.
Ils ont découvert qu’au moins 3,5 % des patients atteints de COVID-19 grave sont porteurs d’un type spécifique de mutation génétique qui diminue leur production d’interférons de type I. Ces mutations se produisent sur 13 gènes et sont déjà connues pour être la cause de formes graves de grippe. Quel que soit leur âge, les personnes présentant ces variations génétiques courraient un plus grand risque de développer une forme potentiellement mortelle de grippe ou de COVID-19.
Un traitement précoce avec des interférons de type 1 pourrait être envisagé pour ces patients. Ces médicaments sont disponibles depuis plus de 30 ans et n’ont pas d’effets secondaires importants s’ils sont pris pendant une courte période.
Le 24 septembre 2020