Claude Bhérer, Ph. D., professeure adjointe au Département de génétique humaine de l’École des sciences biomédicales, met à profit sa passion pour la génétique des populations et la biologie évolutive, jumelée à son expertise en génomique computationnelle, pour jeter une lumière nouvelle sur la variation génétique dans la population québécoise d’ascendance canadienne-française. Ses travaux ouvrent la voie à la découverte et à la mise au point de médicaments. La Pre Bhérer est également chercheuse au sein de la Chaire d’excellence en recherche du Canada (CERC) en médecine génomique, où elle dirige la plateforme de génétique des populations, en plus d’en présider le comité d’action en équité, diversité et inclusion.
Génétique humaine, populations fondatrices et recherche de traitements contre les maladies rares
Chercheuse spécialisée en génétique des populations, la Pre Bhérer a une formation en anthropologie, biologie moléculaire, analyse computationnelle et génétique humaine. Dans ses travaux, elle s’intéresse surtout à l’analyse de la variation génétique humaine et des forces évolutives qui façonnent les différences génétiques entre les individus et les populations.
C’est durant son doctorat à l’Université de Montréal que la Pre Bhérer a amorcé son étude des caractéristiques génétiques de populations fondatrices dans le but de mieux comprendre les maladies rares. Les populations fondatrices sont constituées lorsqu’un groupe restreint d’individus se séparent d’une population plus vaste et migrent vers un nouveau milieu. Dans le milieu des sciences biomédicales, certaines populations fondatrices sont connues pour leur prévalence élevée de maladies génétiques particulières.
« C’est comme si on avait un grand bac rempli de billes colorées et qu’on en retirait une seule poignée », illustre la chercheuse – le bac représentant la population d’origine, et les billes colorées, ses gènes. « Avec le hasard, la répartition des couleurs dans la poignée de billes différera peut-être beaucoup de celle qu’on observe dans la population source, plus vaste. Certains variants (ou couleurs) rares disparaîtront, alors que d’autres seront plus fréquents que dans la population source. »
Ce phénomène, qu’on appelle « effet fondateur », explique pourquoi des maladies génétiques habituellement rares sont plus fréquentes dans certaines populations. L’objectif de ces recherches ne se limite toutefois pas à déterminer le risque accru de maladies rares dans des populations particulières. En connaissant le patrimoine génétique d’un groupe, on peut également découvrir de nouvelles cibles thérapeutiques. « La mission de notre CERC à McGill consiste à utiliser la génétique pour soutenir la découverte et la mise au point de médicaments », explique la Pre Bhérer.
Recherches actuelles
Depuis qu’elle a été nommée à son poste actuel à McGill, en avril 2022, après un postdoctorat, la Pre Bhérer a continué d’analyser des données génétiques pour mieux comprendre les maladies rares dans les populations fondatrices, notamment au Québec, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve. Son équipe étudie actuellement le syndrome de Leigh de type canadien-français (LSFC), un trouble métabolique rare qui peut entraîner une crise d’acidose lactique fatale pendant l’enfance et dont la prévalence est plus élevée au sein de la population québécoise d’ascendance canadienne-française. La Pre Bhérer précise que c’est cette maladie, présente dans sa propre famille, qui est à l’origine de son intérêt pour la génétique.
La chercheuse prend également part à plusieurs collaborations de recherche, dont certaines font appel à sa formation en anthropologie. L’un de ces projets, en collaboration avec sa collègue Isabelle Ribot, Ph. D., professeure agrégée au Département d’anthropologie de l’Université de Montréal, vise à étudier de l’ADN ancien recueilli dans l’un des premiers cimetières de Montréal pour brosser un portrait plus clair de la population qui y résidait aux 17e et 18e siècles.
L’ÉDI en génétique et génomique
La Pre Bhérer et l’équipe de la CERC ont récemment dirigé l’organisation d’un symposium virtuel de deux jours sur l’ÉDI en génomique, coorganisé par l’Institut de génétique des IRSC. Avec le comité d’action en ÉDI de la CERC, elle plaide pour une augmentation de la diversité en recherche génomique.
« La plupart des connaissances actuelles sur la génétique et ses conséquences pour la santé proviennent d’études menées dans des populations d’ascendance européenne, explique-t-elle. On connaît beaucoup moins les facteurs génétiques des maladies dans d’autres populations, comme les populations autochtones ou d’ascendance africaine. » Avec l’adoption de plus en plus répandue de la médecine génomique, de telles lacunes peuvent entraîner des disparités dans les soins de santé offerts aux personnes d’origines diverses. La Pre Bhérer et les membres de la CERC visent à sensibiliser le milieu à ce problème et à poser des gestes pour le régler.