Des chercheurs découvrent comment les magiciens influencent les décisions
Les magiciens ont émerveillé les membres de leur auditoire pendant des siècles en influençant subtilement, bien qu’efficacement, leurs décisions. Toutefois, aucune étude rigoureuse n’avait encore porté sur les facteurs psychologiques qui permettent aux tours de magie de fonctionner.
Une équipe de chercheurs canadiens a combiné l’art de la prestidigitation et la science de la psychologie pour démontrer comment certains facteurs contextuels peuvent influer sur les décisions des gens, bien qu’ils croient choisir librement – une découverte qui pourrait même avoir des répercussions sur la prise de décisions dans la vie quotidienne.
« Nous sommes partis d’un principe associé à la magie que nous connaissons mal, soit la façon dont les magiciens incitent les gens à choisir une carte plutôt qu’une autre sans que ces derniers en aient conscience », explique Jay Olson, auteur principal de cette nouvelle étude publiée dans Consciousness and Cognition. « Nous avons découvert que les gens tendent à faire les choix les plus pertinents ou qui retiennent davantage l’attention, mais ignorent pourquoi », affirme Jay Olson, étudiant aux cycles supérieurs en psychiatrie qui étudie les phénomènes psychologiques, comme l’attention et la conscience, au laboratoire du professeur Amir Raz de l’Université McGill.
Cette étude comptait deux phases. Au cours de la première phase, Jay Olson (qui est également magicien professionnel) a abordé 118 personnes sur la rue et sur des campus et leur a demandé de choisir une carte alors qu’il faisait défiler rapidement un jeu de cartes entre ses mains. L’opération durait une demi-seconde environ, mais le magicien utilisait une technique permettant de faire ressortir l’une des cartes – la « carte cible » – par rapport aux autres. Environ 98 % des participants ont choisi la carte cible, mais neuf sur 10 ont déclaré avoir fait ce choix librement. De nombreux participants se sont lancés dans des explications pour justifier leur décision : ainsi, l’une d’entre elles a affirmé avoir choisi sa carte (le 10 de cœur), car « le cœur est un symbole répandu et la couleur rouge ressortait ».
Au cours de la deuxième phase, les chercheurs ont conçu une version informatisée et simple de ce tour de magie en présentant séquentiellement aux sujets une série de 26 illustrations de cartes sur un écran. Ils leur ont ensuite demandé de choisir une carte en silence, puis de la saisir à l’ordinateur après chacun des 28 essais. Dans l’ensemble, les participants ont choisi la carte cible dans 30 % des essais. Bien que « raisonnablement élevé », ce taux était considérablement plus faible que celui obtenu au cours de la première phase, « peut-être parce que de nombreux facteurs sociaux et situationnels essentiels influant sur les tours de magie étaient absents » du contexte de laboratoire traditionnel dans lequel cette deuxième phase a été réalisée, affirme Ronald Rensink, coauteur de l’étude et professeur de psychologie et d’informatique à l’Université de la Colombie-Britannique. Pendant un tour de magie, par exemple, les spectateurs peuvent être influencés par la personnalité du magicien, le décor peut susciter des attentes, et le sujet peut se sentir obligé de choisir une carte rapidement, observe le chercheur.
« La magie constitue une lentille inhabituelle pour observer et comprendre le comportement et les fonctions cérébrales supérieures », affirme Amir Raz, coauteur de l’étude, ancien magicien professionnel et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en neuroscience cognitive de l’attention à la Faculté de médecine de l’Université McGill. « Cette étude fait partie d’une nouvelle vague d’expériences qui conjuguent les arts de la magie et les principes des sciences psychologiques et neurologiques. Une telle association pourrait permettre de faire la lumière sur les aspects fondamentaux de la science du comportement et de faire progresser l’art de la prestidigitation. »
Alym Amlani, magicien de Vancouver et professeur de comptabilité à l’Université polytechnique Kwantlen à Surrey, en Colombie-Britannique, a également contribué à cette étude.
Cette étude a été financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.
L’article « Influencing Choice Without Awareness », par Jay A. Olson et coll., a été publié en ligne dans Consciousness and Cognition, le 7 février 2015.
DOI : 10.1016/j.concog.2015.01.004
Le 10 février 2015