Source : CUSM

Après sept ans de collaboration, une équipe de chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) a mis au point une molécule intelligente qui pourrait prolonger considérablement la vie des patients atteints de glioblastome, un cancer du cerveau incurable et dévastateur qui touche des personnes de tout âge, indépendamment de leurs habitudes de vie. Selon les résultats d’une étude dirigée par la Dre Siham Sabri et publiée dans le journal Clinical Cancer Research de l’American Association of Cancer Researchcette molécule nommée ZR2002, administrée par voie orale et capable de pénétrer la barrière hématoencéphalique, retarderait la multiplication des cellules souches du glioblastome résistantes au traitement standard offert aux patients.

Le glioblastome est un cancer qui touche 1500 Canadiens à chaque année, pour qui la survie moyenne actuelle est de 15 mois suivant le diagnostic. Malheureusement, le traitement standard, qui a très peu évolué depuis une quinzaine d’années, n’empêche pas la tumeur de récidiver.


« Les cellules souches du glioblastome, extrêmement agressives et fortement résistantes au traitement standard de radiothérapie et de chimiothérapie temodal®, seraient à l’origine de la récidive de la tumeur. Elles ont la capacité de se réparer lorsqu’on les attaque avec ce traitement », explique Bertrand Jean-Claude, co-auteur de l’étude et chercheur senior à l’IR-CUSM au sein du Programme de recherche en désordres métaboliques et leurs complications.

« La molécule ZR2002 que nous avons développée est conçue pour faire d’une pierre deux coups : en plus d’attaquer la tumeur, elle détruit son système de défense », ajoute le chercheur, qui est également le directeur et le fondateur de la Plateforme de découverte de médicaments du Centre de biologie translationnelle à l’IR-CUSM. Bertrand Jean-Claude travaille depuis plus de 20 ans sur ce concept de molécules capables de déjouer les tumeurs cancéreuses, qu’il a nommées combi-molécules.

Les patients atteints de glioblastome subissent généralement une intervention chirurgicale visant à enlever le plus possible la tumeur dans le cerveau. Pour augmenter les chances de tuer les cellules cancéreuses restantes, ils subissent ensuite six semaines de radiothérapie et chimiothérapie suivies de six mois de chimiothérapie.

« Chez environ 50 % des patients atteints de glioblastome, les tumeurs sont porteuses d’une protéine appelée EGFR qui favorise la prolifération des cellules tumorales et qui les rend résistantes à la chimiothérapie et à la radiothérapie, explique le Dr Bassam Abdulkarim, co-auteur de l’étude, radio-oncologue au CUSM et scientifique senior à l’IR-CUSM au sein du Programme de recherche sur le cancer. Cependant, bien que le traitement standard soit capable d’endommager l’ADN des cellules cancéreuses, il ne peut pas contourner les effets de l’EGFR. Par conséquent, chez de nombreux patients, la tumeur recommence à croitre alors que leur traitement est encore en cours. »

La molécule ZR2002 a été conçue pour résoudre ce problème. D’une part, elle endommage l’ADN cellulaire de la tumeur et d’autre part, elle bloque de façon irréversible l’action des protéines EGFR.

Un succès à l’étape préclinique

Pour tester l’efficacité de la nouvelle molécule, les chercheurs ont dû établir des cellules souches du glioblastome résistantes à la chimiothérapie utilisée pour le traitement des patients. C’est une tâche complexe que le Dr Janusz Rak, scientifique senior à l’IR-CUSM, professeur au Département de pédiatrie de l’Université McGill, et chercheur de renommée mondiale sur le glioblastome, a réussi à accomplir.

« Dans un modèle expérimental de souris, nous avons soumis ces cellules très agressives et résistantes à l’action du médicament ZR2002 », dit Siham Sabri, auteure principale de l’étude, scientifique au sein du Programme de recherche sur le cancer à l’IR-CUSM et professeure adjointe au Département de pathologie à l’Université McGill. « Les résultats de l’étude montrent que lorsqu’il est administré par voie orale, le ZR2002 induit une activité antitumorale significativement supérieure à celle du temodal® et tue les cellules tumorales par un mécanisme d’action multimodal ».

« Le défi est non seulement de combattre la résistance des cellules souches du glioblastome, ajoute le Dr Bassam Abdulkarim, qui est aussi professeur associé au Département d’oncologie à l’Université McGill, mais aussi de livrer la chimiothérapie au cerveau, car celui-ci est protégé par la barrière hématoencéphalique. Notre équipe a réussi à relever ces deux défis de taille. »

Pour démontrer que la molécule administrée par voie orale pouvait traverser la barrière hématoencéphalique, l’équipe a eu recours à l’imagerie par spectrométrie de masse, une technologie de pointe de la plateforme de découverte de médicaments acquise lors de la modernisation du CUSM en 2015.

Les chercheurs espèrent maintenant pouvoir poursuivre leurs recherches et tester cette combi-molécule, la première de sa catégorie, dans le cadre d’un essai clinique pour les patients atteints de glioblastome.

« Comme il s’agit d’une maladie orpheline, le financement est plus difficile à obtenir, et nous remercions la Fondation du CUSM pour son soutien essentiel, dit le Dr. Abdulkarim. Si nous parvenons à mettre sur pied un essai clinique, ce sera la première fois qu’une molécule conçue et synthétisée à l’IR-CUSM sera testée en clinique à notre Centre de médecine innovatrice, pour le bénéfice des patients. »

À propos de l’étude

L’étude intitulée Mechanisms and Antitumor Activity of a Binary EGFR/DNA–Targeting Strategy Overcomes Resistance of Glioblastoma Stem Cells to Temozolomide,a été réalisée par Zeinab Sharifi, Bassam Abdulkarim, Brian Meehan, Janusz Rak, Paul Daniel, Julie Schmitt, Nidia Lauzon, Kolja Eppert, Heather M. Duncan, Kevin Petrecca, Marie-Christine Guiot, Bertrand Jean-Claude et Siham Sabri. DOI: 10.1158/1078-0432

 

Couverture sur le sujet

City News | A new treatment for brain cancer

 

 

Le 14 janvier 2020