La neurologue Birgit Frauscher est spécialisée dans la recherche sur l’épilepsie et la prise en charge des patients épileptiques au Neuro. Elle est la lauréate du Prix Michael 2019 qui récompense ses remarquables travaux de recherche en épilepsie.

Source : Le Neuro
La neurologue Birgit Frauscher est spécialisée dans la recherche sur l’épilepsie et la prise en charge des patients épileptiques au Neuro. Elle est la lauréate du Prix Michael 2019 qui récompense ses remarquables travaux de recherche en épilepsie.

La Dre Frauscher est spécialiste de l’épilepsie et de la médecine du sommeil. Elle consacre ses travaux de recherche à trouver des biomarqueurs de l’activité électrique cérébrale afin d’obtenir un diagnostic plus précis de la maladie, et elle étudie les importantes interactions entre le sommeil et l’épilepsie. Elle siège au Comité des initiatives de la communauté en science ouverte de l’Institut de science ouverte Tanenbaum, afin de concevoir un nouveau modèle d’innovation scientifique fondé sur les principes de la science ouverte, qui favorise la libre circulation des connaissances en vue d’accélérer les découvertes et de transformer des vies.

Ses travaux lui ont valu le Prix international Michael 2019 et le Prix pour jeune chercheur européen 2018 de la Ligue internationale contre l’épilepsie, ainsi que le Prix Ernst-Niedermeyer 2015 de la Société autrichienne de l’épilepsie.

Découvrez comment sa dernière étude pourrait permettre d’écourter le séjour à l’hôpital de patients épileptiques, l’objet de sa passion pour ce domaine pathologique, et l’atlas de l’activité cérébrale qu’elle a rendu accessible aux chercheurs et cliniciens du monde entier.

Selon votre dernière étude, le fait de provoquer des crises chez des épileptiques pourrait écourter leur hospitalisation. A priori, provoquer des crises pour y mettre fin semble paradoxal – pouvez-vous expliquer?

Il est fréquent qu’un épileptique en attente d’un traitement chirurgical soit en observation jusqu’à deux semaines à l’hôpital et porte des électrodes jour et nuit pour qu’on enregistre ses crises; un séjour qui s’explique par la nécessité d’attendre l’occurrence de crises spontanées. L’enregistrement de crises permet de cerner le foyer épileptique, c’est-à-dire là où il faut opérer. Or, de longs séjours peuvent être très contrariants pour les patients et coûteux pour le système de soins.

Selon notre étude, les crises provoquées sont aussi efficaces pour déterminer un foyer épileptique que les crises spontanées. Le recours aux crises provoquées pourrait permettre de ramener la durée d’un séjour à l’hôpital à seulement 48-72 heures, ce qui change la donne pour les patients et les fournisseurs de soins.

Qu’est-ce qui vous motive dans votre travail en tant que neurologue qui traite des patients épileptiques?

Ce qui est intéressant à propos de l’épilepsie, c’est que chaque patient a un problème sous-jacent différent. Avant l’intervention chirurgicale, il faut bien sûr procéder à une évaluation approfondie. Ça s’apparente à assembler un casse-tête. Il faut tenir compte des antécédents d’un patient, des symptômes de ses crises, de son activité électrique cérébrale, des résultats de l’imagerie, d’examens neuropsychologiques et autres – afin de réunir le tout pour déterminer la source des crises (le foyer épileptique) dans son cerveau.

Quand on réussit à réunir toutes les pièces du casse-tête, les patients ne souffrent plus de crises après l’intervention chirurgicale. C’est l’idéal! Comme beaucoup de jeunes patients sont atteints d’épilepsie, s’ils sont exempts de crises après l’intervention, ça change complètement leur vie. Ils peuvent retourner au travail, avoir une famille. Les patients sont tellement reconnaissants de ce que nous pouvons faire pour eux et, pour nous, c’est bien sûr très satisfaisant. Nous apprenons aussi à très bien connaître nos patients, étant donné que nous les suivons plusieurs années.

« Après l’implantation des électrodes, j’ai eu le plaisir d’être suivie par la Dre Birgit Frauscher. J’ai rencontré plusieurs neurologues au cours de mon aventure au pays de l’épilepsie, mais aucun n’était aussi passionné par son travail que la Dre Frauscher. Elle est unique et s’est révélée une alliée précieuse tout au long du processus. La passion qu’elle voue à son travail et sa soif de réussite sont exemplaires, et avec elle comme alliée, je savais que je verrais la lumière au bout du tunnel. » 
– Sophie Jodouin

Vous êtes originaire d’Autriche où vous avez effectué votre formation et votre spécialisation. Qu’est-ce qui vous a amenée à Montréal?

En raison de mon amour de la langue française, ça a été un moment heureux. Cela dit, je suis surtout venue à Montréal pour étudier l’électroencéphalographie (EEG) intracrânienne au Neuro avec mes mentors Jean Otman et François Dubeau, des spécialistes de renommée mondiale. Ils privilégient l’insertion d’électrodes directement dans le cerveau, c’est-à-dire la stéréoélectroencéphalographie, pour enregistrer l’activité électrique. Au terme d’un fellowship de deux ans à leur laboratoire, j’ai eu l’occasion de rester au Neuro, d’établir mon laboratoire et de travailler au sein du groupe de recherche sur l’épilepsie. Comme le Neuro est à l’avant-garde de la recherche et du traitement en matière d’épilepsie, c’est l’endroit idéal à mes yeux pour réaliser d’importantes avancées dans le domaine.

L’EEG intracrânienne est intéressante, du fait que l’épilepsie est la seule maladie pour laquelle nous pouvons enregistrer l’activité cérébrale chez des sujets humains. Il s’agit d’une mesure objective pour trouver des marqueurs aux crises épileptiques. À mon laboratoire, nous cherchons à découvrir des marqueurs EEG indépendants des crises afin de cerner le foyer épileptique. Nous nous intéressons aussi à l’utilisation de l’EEG intracrânienne pour étudier la physiologie du cerveau durant l’état de veille et le sommeil, afin de distinguer une activité EEG intracrânienne normale ou pathologique.

Pourquoi vous êtes-vous engagée à rendre vos données accessibles à toute personne que ça pourrait intéresser?

Avec des chercheurs de l’Université Grenoble-Alpes en France et du CHUM, nous avons conçu le premier atlas d’activité électrique intracrânienne normale. Toutes les données de nos recherches sont en libre accès (https://mni-open-ieegatlas.research.mcgill.ca/). Le but est que les chercheurs et les cliniciens de partout au monde puissent les approfondir et les enrichir. Cela correspond aux principes de la science ouverte auxquels le Neuro adhère et sur laquelle l’avenir de la science et de la médecine reposera, selon moi. Nous devons absolument collaborer afin d’arriver à accélérer les progrès dans l’intérêt de nos patients.

Le 18 juin 2019