Dans le cadre du projet Crawl-To-Listen du Laboratoire des bébés de l’Université McGill, une équipe tente de montrer, à l’aide d’une planche à roulettes brevetée et modifiée nommée « Joey », que les nourrissons sont capables de reconnaître les langues leur étant familières dès qu’ils commencent à ramper. Des études ont révélé que les bébés ne rampent pas uniquement par simple réflexe; en effet, ceux-ci peuvent se déplacer de façon intentionnelle vers leur objectif.

Les bébés traitent le langage au moyen d’une combinaison d’aptitudes innées et d’exposition à l’environnement. L’acquisition du langage est possible dès la naissance, le cerveau étant doté de milliards de neurones prêts à tisser un réseau complexe à cet effet. Les bébés parviennent à distinguer des centaines de phonèmes (unités sonores de base) de toutes les langues, et les connexions neuronales associées aux sons auxquels ils sont fréquemment exposés se renforcent au fur et à mesure qu’ils grandissent.

« Les études menées précédemment sur le traitement du langage des nourrissons se basaient sur le comportement de succion de ces derniers, ce qui nécessitait des visites fréquentes à l’hôpital. Ce protocole s’est vite révélé trop exigeant, d’autant plus qu’aujourd’hui, les professionnels de la santé déconseillent l’utilisation des sucettes afin de favoriser l’allaitement au sein », explique la directrice du laboratoire, Linda Polka, Ph. D. et professeure à l’École des sciences de la communication humaine. « Je me suis donc mis à la recherche d’une méthode d’évaluation basée sur un autre comportement naturel chez les bébés », renchérit-elle. Le projet est mené auprès de nourrissons âgés d’un à deux mois exposés à l’anglais, au français ou aux deux langues.

L’équipe du projet Crawl-To-Listen effectue des tests et compare les données recueillies auprès de nourrissons provenant de familles unilingues et bilingues au moyen d’un appareil ressemblant à une petite planche à roulettes. Six petits capteurs servant à mesurer l’activité musculaire sont fixés sur les jambes et le dos du bébé avant que celui-ci ne soit déposé sur la planche à roulettes, elle-même placée sur une table dotée de parois rembourrées et d’un haut-parleur. Le soutien de la tête et du haut du corps fourni par Joey est tel, que même les nouveau-nés parviennent à ramper. Un membre de l’équipe fait ensuite jouer trois extraits de langues différentes pendant deux minutes chacun. L’enfant entend donc plusieurs phrases en français, en anglais et en mandarin, prononcées par la même personne, sur un ton adapté aux poupons. « Nous tentons d’évaluer si les bébés répondent différemment à une langue leur étant familière comparativement à une langue qu’ils ont peu ou pas entendue. Les différents groupes que nous avons constitués nous permettront de déterminer la réponse des poupons en fonction de leurs propres expériences langagières », explique Priscilla Ferronato, Ph. D. et boursière postdoctorale à l’École.

Joey est également utilisé en contexte clinique, notamment chez les nouveau-nés dont le développement sensorimoteur est compromis, comme les bébés prématurés. « Cette expérience motrice permet aux cerveaux des bébés de tisser davantage de connexions, ce qui les aide à utiliser leur corps pour accomplir des comportements moteurs importants comme s’asseoir, marcher et tendre le bras pour atteindre un objet », indique la professeure Polka.

Le projet Crawl-To-Listen est financé par l’Initiative montréalaise sur le bilinguisme et le Centre de recherche sur le cerveau, le langage et la musique de l’Université McGill. Simone Falk, Simone Dalla Bella et David McFarland, de l’Université de Montréal, ainsi que Krista Byers-Heinlein, de l’Université Concordia, y participent à titre de collaborateurs.

L’étude est en cours et se poursuivra jusqu’en mars 2025. « Nous recueillons actuellement des données », indique la professeure Polka. « Nous recherchons activement des parents souhaitant que leur bambin participe à l’étude. Le recrutement est quelque peu difficile, car nous voulons recueillir les données de bébés âgés d’un ou de deux mois », explique-t-elle. Les participants à l’étude ont accès au stationnement gratuitement, en plus de recevoir une rémunération de 20 $ par enfant de même qu’un certificat. L’équipe de recherche conseille aux parents de venir au laboratoire au moment de la journée qui convient le mieux à leur enfant.

« Cette étude représente une belle occasion pour les parents d’en apprendre plus sur le développement moteur, perceptuel et langagier de leur enfant. Souvent, ils sont surpris par les aptitudes de leur bébé, ce qui les encourage à le stimuler davantage par la suite », indique la professeure Polka.

Pour obtenir de plus amples renseignements ou vous inscrire, visitez le https://forms.gle/iRrhZ9yCTaJhHgnP9.