La portion monétaire du prix financera la mise au point conjointe d’un programme de recherche sur l’équité en santé.

Andraea Van Hulst, inf., Ph. D., chercheuse à l’École des sciences infirmières Ingram (ÉSII), a été choisie comme lauréate du prix Rosemary-Wedderburn-Brown de McGill de cette année. Ce prix récompense des membres du corps professoral qui affichent un remarquable potentiel scientifique et font preuve d’excellence en recherche en début de carrière. Rosemary Wedderburn Brown a immigré au Québec en 1951 pour étudier à l’Université McGill, puis en Colombie-Britannique en 1955, où elle a terminé ses études supérieures en travail social. Ce sont ses expériences avec le racisme qui ont inspiré sa carrière de militante et de politicienne ainsi que sa détermination à éliminer les obstacles auxquels sont confrontés les groupes minoritaires dans la société canadienne. Nous avons discuté avec la Pre Van Hulst pour connaître sa réaction à la réception de ce prix et pour qu’elle nous décrive son approche interprofessionnelle en recherche ainsi que ses travaux étudiant l’influence du cadre bâti sur la santé des enfants.

Votre recherche sur l’obésité et la santé cardiométabolique infantiles porte en grande partie sur les cadres bâtis. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit?

La recherche a montré que l’obésité infantile est un facteur de risque pour les affections chroniques telles que le diabète et les maladies cardiaques. Nous savons aussi que l’obésité infantile part d’interactions complexes entre des facteurs biologiques et physiologiques (génétique, système endocrinien), des facteurs liés au mode de vie (alimentation, activité physique, sédentarité) et des facteurs environnementaux (environnement familial, quartier de résidence). Le cadre bâti comprend les infrastructures et les aménagements construits par les humains et qui meublent les quartiers où les enfants vivent et grandissent. Des recherches ont montré que certaines caractéristiques des cadres bâtis peuvent aider les enfants et leurs familles à adopter et à maintenir de saines habitudes de vie, ou encore y faire obstacle. Par exemple, il y a des quartiers qui incitent à la vie active en proposant des trottoirs, des parcs et des centres de loisirs, et d’autres quartiers qui présentent des obstacles à une vie active saine.

Comment vous êtes-vous intéressée à ce domaine de recherche?

Après avoir obtenu mon baccalauréat en sciences infirmières de l’Université McGill en 2003, mon premier emploi a été au service des urgences d’un hôpital du centre-ville. J’ai constaté comment la pauvreté, l’itinérance, la toxicomanie et le racisme (notamment à l’égard des populations autochtones) avaient des effets négatifs sur la santé. J’ajouterais que les cours en santé communautaire que j’ai suivis durant ma dernière année en sciences infirmières ont eu une grande influence sur moi : j’ai voulu en savoir plus sur les stratégies de promotion de la santé et de prévention de la maladie, en particulier les stratégies qui s’attaquent aux inégalités en matière de santé. J’ai donc entrepris une maîtrise, puis un doctorat en santé publique à l’Université de Montréal afin d’étudier les grands facteurs contextuels qui influencent la santé des gens, tels que les cadres bâtis.

Comment les communautés de recherche et du milieu de la santé peuvent-elles participer à la création de milieux favorisant une vie active et saine dans les quartiers défavorisés?

Nous avons plusieurs rôles importants à jouer : en évaluant les facteurs de risque et de protection dans les quartiers, en plaidant en faveur de quartiers sains et en adaptant les soins en fonction des possibilités qu’offrent les divers quartiers. Le personnel infirmier a un effet déterminant, car il prodigue des soins de proximité dans les quartiers défavorisés et mal desservis. La Maison bleue est un bon exemple : elle propose des services médicaux et sociaux intégrés aux mères et à leurs proches, de la grossesse et jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de 5 ans. Cet organisme compte quatre sites répartis dans les quartiers montréalais ayant une forte densité de familles vivant dans la pauvreté. Grâce à un partenariat avec l’ÉSII, bon nombre des étudiants et étudiantes de la concentration Santé mondiale du programme de maîtrise ont mené leur stage clinique ou leur projet de recherche à La Maison bleue.

Que signifie pour vous le fait de remporter le prix Rosemary-Wedderburn-Brown et quel effet aura la portion monétaire du prix sur vos recherches?

En apprenant ma nomination, je me suis renseignée au sujet du parcours de Rosemary Wedderburn Brown. L’histoire de sa vie, son militantisme et sa détermination à améliorer la vie des communautés marginalisées m’ont profondément émue. C’est un véritable honneur de recevoir ce prix, mais c’est également un engagement à poursuivre le travail qu’a entamé Rosemary Wedderburn Brown : aider à combler les lacunes relatives à l’équité en santé et contribuer à la création d’une société où les personnes marginalisées et opprimées sont traitées de manière juste. Je consacrerai donc les 10 000 $ du prix à la mise au point conjointe d’un programme de recherche sur l’équité en santé, en collaboration avec La Maison bleue. Une grande partie de sa clientèle est constituée de demandeuses d’asile et de mères ayant un très faible revenu – des personnes qui n’ont habituellement pas leur mot à dire dans la prise de décisions sociales ou sanitaires. Je souhaite que ces femmes fassent entendre leur voix et qu’elles participent à la définition des priorités de recherche, ce qui nous aidera à poser des questions de recherche pertinentes et à adopter des activités d’amélioration de la qualité qui répondront vraiment à leurs besoins. En outre, je sollicite activement du financement de la part des grandes organisations de subventions afin de mettre ce projet en route. Je suis extrêmement enthousiaste d’avoir la possibilité de perpétuer le travail de Rosemary Wedderburn Brown.